Cannes 2010 : Rubber / Critique

16-05-2010 - 00:28 - Par

RubberBandeau

De Quentin Dupieux. Semaine de la Critique, séance spéciale.

RubberPosterUn bien bel hommage au cinéma que vient de livrer le roi de la fête du slim, Quentin Dupieux. RUBBER, mise en abîme du 7e art à travers une poignée de cinéphages observant aux jumelles les exactions d’un pneu tueur (voyez le grotesque), le Monsieur Oizo déjà à l’origine du très mal-aimé STEAK, passe au mixeur de l’absurde toute une culture pop, du Z au western, en passant par le slasher redneck.

Son personnage de shérif penseur, fil rouge du récit, vous le demande droit dans les yeux : Pourquoi dans le E.T de Steven Spielberg, l’extra-terrestre est-il marron ? Pourquoi dans MASSACRE A LA TRONCONNEUSE de Hooper, les gens ne vont pas aux toilettes comme tout le monde dans la vraie vie ? Et Pourquoi dans JFK, Kennedy se fait-il assassiner par un parfait inconnu ? « No reason ». Après avoir dégommé des chaises installées dans le désert avec sa Chevrolet de flicaille dont il squatte le coffre, son law-man – que les frères Coen ne renieraient pas – annonce (trop ?) explicitement la couleur : RUBBER n’aura pas grand sens, parce que la vie et les grands films n’en ont pas toujours non plus. Et du réveil sanguinaire d’un pneu aux pouvoirs télékinésiques, brisant par son esprit le verre, la ferraille, explosant les caboches de ses victimes dans une transe constipatoire, déboule un emperlage jouissif de situations absurdes et de dialogues improbables. On pourrait même reprocher à Dupieux, malgré la vacuité et la drôlerie déjà bien Z du pitch, de ne pas pousser l’absurde jusqu’au bout : les constants allers-retours entre le slasher à la gomme et les réactions des « faux-spectateurs » du film dans le film désamorcent irrémédiablement le grand n’importe quoi, faisant craindre aux fans de STEAK que Mr Oizo préfère dorénavant justifier sa folie douce et la prendre avec distance et dérision. Alors comme ça, Quentin Dupieux n’assumerait RubberPicplus d’être le nouveau réalisateur kamikaze du non-sens ? Pourtant RUBBER a tout pour rendre heureux : une vindicte violente (même si un peu grosse) contre l’industrie de l’exploitation cinéma, des plans d’une beauté inouïe recyclant l’imagerie américaine (déserts, nids de poule, station-essence, motel), une bande-son à tomber signée Mr Oizo et Gaspard Augé de Justice et un tueur en caoutchouc naissant littéralement sous nos yeux dans une grande habileté de mise en scène, et du super-cinéma tout autour. Pour les yeux, les oreilles, l’inconscient cinéphilique, RUBBER est un énorme morceau de film. Et ce n’est pas parce qu’il est abscons, ou peu accessible qu’il dérape petit à petit. Mais une certaine complaisance, notamment dans ses dialogues et son montage poussifs, fait de ce film ultra-atypique un ovni autocentré sur son concept, sa prouesse. Si bien qu’avant d’être un bon film, RUBBER est avant tout une démonstration, au sens pas forcément le plus louable du terme.

Rubber, de Quentin Dupieux. 1h26. Avec Roxane Mesquida, Stephen Spinella, David Bowe. Sortie en juin.

Pour voir la bande-annonce en HD, rendez-vous sur Accropix.

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.