Cannes 2010 : Mon Bonheur / Critique

19-05-2010 - 19:45 - Par

MonBonheurBandeau

De Sergei Loznitsa. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis officiel : Voici la fable du chauffeur au destin tragique, Georgy, alors qu’il prend une mauvaise route et se perd dans la campagne sauvage de la Russie. Sur le chemin vers le « cœur des ténèbres », Georgy rencontre les habitants locaux : un vétéran de guerre, une prostituée mineure, des officiers de police corrompus et une mystérieuse gitane.

La meilleure surprise du festival est ukrainienne. Autant vous dire qu’on n’était pas spécialement client à la base, mais qu’en festival, on s’oblige à être un poil curieux. Et qui l’eut cru ? Sergei Loznitsa est le réalisateur qu’on attend le plus en 2012. Car, oui, en plus, on espère secrètement que le très prometteur réalisateur ukrainien deviendra un habitué du festival.

MON BONHEUR s’ouvre sur un homme coulé dans le bêton. Le décor est planté : l’ex-Union Soviétique va passer à la moulinette d’un cinoche enragé. Pas enragé comme un film d’action, mais enragé comme un film profondément ironique et narrativement très malin. A travers l’histoire d’un camionneur qui, au gré des rencontres d’autostoppeurs et de gendarmes, se retrouvera dans de beaux draps au beau milieu de la campagne, quelque part en ex-Union Soviétique, MON BONHEUR redouble de longs plans fixes, de galeries de personnages taiseux (putes, commerçants, vétérans de guerre, ouvriers), de dialogues qui prennent des plombes à se répondre. Une mise en scène de l’observation qui laisse tout le temps au spectateur de bien regarder, écouter et analyser l’incroyable histoire de la corruption d’un pays.

Alternant scènes du passé, plantées dans la seconde guerre mondiale et bourrée d’une violence sournoise cachée sous l’ultra-nationalisme, et scènes contemporaines étalant la morale assez médiocre du pays, Loznitsa jette un regard d’une noirceur inouïe, statuant clairement que l’ex-Union Soviétique n’a pas changé d’un iota. Des hauts fonctionnaires russes pilleurs de guerre aux autorités d’aujourd’hui redoublant d’abus de pouvoir, MON BONHEUR (si vous n’aviez pas compris l’ironie, elle est maintenant claire) use d’un récit complexe pour démontrer une chose simple, et c’est là le seul reproche qu’on pourra lui faire. Néanmoins, le film fascine en nous perdant dans une réflexion globale en puzzle, prenant tout son sens à la fin, si tant est qu’on ait une certaine résistance à l’abscons.

Esthète accompli, penseur acerbe à l’esprit aiguisé (tel un Kaurismaki slave), auteur intransigeant, Loznitsa conclut son film dans une scène d’une froideur absolue qui fait de ce film un brûlot politique comme un petit bijou d’audace.

Mon bonheur, de Sergey Loznitsa, Russie. Avec Olga Shuvalova, Vladimir GOLOVINE. 1h50. Prochainement

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