Le scénariste de LA VENGEANCE DANS LA PEAU se lance dans le grand bain de la réalisation, et enrôle Matt Damon pour nager à contre-courant de son destin.
Rencontrer la femme de sa vie, puis réaliser que des mystérieux bonshommes à chapeaux et complets sixties feront tout pour empêcher cette romance, car « cela ne fait pas partie du Grand Plan de la Vie ». Telle est l’aventure légèrement flippante que va vivre David Norris (Matt Damon), politicien cool, lorsqu’il croise Elise (Emily Blunt), danseuse bohème. Mais le Norris, qui ne se prénomme pourtant pas Chuck, ne va pas se laisser faire comme ça. Après Tony Gilroy (MICHAEL CLAYTON et DUPLICITY), c’est au tour d’un autre scénariste de la saga Jason Bourne – George Nolfi – de passer derrière la caméra. Un premier essai adapté d’une nouvelle, « Rajustement », signée Philip K. Dick en 1954. Cet auteur à l’œuvre paranoïaque et acerbe inspire régulièrement Hollywood. Parfois en bien (BLADE RUNNER, MINORITY REPORT), plus souvent en mal (NEXT, PLANÈTE HURLANTE, PAYCHECK, A SCANNER DARKLY). Avec cette histoire de destin-fardeau, de choix cornéliens et de libre arbitre, Nolfi semble s’inscrire dans la droite ligne de LA VENGEANCE DANS LA PEAU. Après tout, Jason Bourne foutait déjà des bourre-pifs pour qu’on lui laisse le droit d’exister par lui-même, et non pas à travers le destin d’assassin qu’on lui avait assigné. Nolfi rajoute à L’AGENCE une certaine légèreté qui fait tout le sel de la première moitié du long-métrage. L’aventure amoureuse, attendrissante et maîtrisée, donne au récit une fraîcheur qui assure l’identification immédiate du spectateur. John Slattery (MAD MEN), en membre blasé et dépassé de l’Agence, nourrit lui aussi cet élan laid-back et apporte au film un certain recul sur son propos lourd de sens, et une belle dynamique rocambolesque. Mais passée la moitié, L’AGENCE bascule et, presque obligé de prendre ses enjeux davantage au sérieux, le film finit par se perdre. Là où INCEPTION parvenait à faire avaler de longues explications bavardes par une mise en scène énergique et cinétique, Nolfi se cantonne à des champs / contre-champs statiques pour de longs dialogues ânonnés par un Terence Stamp plutôt transparent. Cette schizophrénie, sans doute imputable à une maladresse de débutant, n’empêche pas L’AGENCE de s’afficher en divertissement agréable, où Matt Damon démontre encore une fois sa facilité déconcertante à donner de l’épaisseur à un personnage qui, sous d’autres traits, n’aurait été qu’un pantin lambda.
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