BLUE VALENTINE : chronique

15-06-2011 - 08:40 - Par

Avec une rare aisance, Derek Cianfrance dissèque les prémices et les derniers sursauts d’une passion amoureuse. Bouleversant et animé par un sublime duo d’acteurs.

Il fut présenté à Sundance en janvier 2010, puis quatre mois plus tard au Festival de Cannes, où on l’avait découvert, transis d’amour. Depuis, on désespérait de le voir débarquer en salles. BLUE VALENTINE était l’un des films les plus dévastateurs que l’on ait vu l’an passé, et par la magie de son calendrier de sortie, le deuxième long-métrage de Derek Cianfrance rééditera sans aucun doute cet exploit en 2011. Dean (Ryan Gosling) et Cindy (Michelle Williams), mariés et parents d’une petite fille, vivent un quotidien de prolos lambda. Il se satisfait de son existence, elle la rêve un peu plus épanouissante. Au bord de la rupture, ils tentent de sauver les meubles, se déchirent, se disent leur amour, leurs déceptions, leurs frustrations. Pourtant, quelques années auparavant, tout avait débuté sur un coup de foudre, l’un trouvant en l’autre tout ce qui lui avait toujours manqué… Quoi de plus rabâché qu’une romance ? Quoi de plus universel aussi ? En observant, en montage alterné, la naissance d’une passion et sa déliquescence, Cianfrance se consacre avec une précision d’orfèvre à la complexité du sentiment amoureux, à ce qui l’enclenche puis le fait capituler, plus qu’au souffle romanesque. À la manière d’un James Gray dans TWO LOVERS, le cinéaste parvient ainsi à faire du parcours de ses héros un exemple de réalisme, libéré de toute ostentation guimauve. Lessivés quand ils se croisent pour la première fois, Dean et Cindy évoluent dans un monde terne qui, des années plus tard, a évolué en une bulle autarcique imparfaite, mais chatoyante. Une trajectoire joliment captée par des cadrages intimistes et une mise en scène maline, où le coup de foudre est filmé en un Super 16 mm granuleux et sa désagrégation en un numérique lumineux. Mais surtout, si Cianfrance n’évite pas quelques tics typiques de Sundance (sublimes acteurs enlaidis, musique hype), BLUE VALENTINE irradie par la densité de ses personnages. Ici, l’homme n’est pas une coquille vide vomissant du romantisme de pacotille. Dean ne se définit qu’à travers son rôle de mari fidèle et de père aimant, une identité qu’il assume et chérit. Cindy, fantasme ambulant jusqu’alors utilisée par les mecs comme seul objet sexuel, n’accepte ni son statut de jeune mère ni d’être la seule raison d’être de son conjoint. Plus qu’en couple, elle aimerait que chacun existe individuellement. Un renversement de situation inédit du schéma marital qui fait toute la personnalité de BLUE VALENTINE. Jusque dans ses dernières secondes, le film rend hommage à ses héros, portés par les incroyables Ryan Gosling et Michelle Williams, et se conclut sans feu d’artifice, avec une justesse déchirante. Un vrai beau miracle de cinéma.

Blue Valentine, de Derek Cianfrance. Avec Ryan Gosling, Michelle Williams. Sortie le 15 juin.

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