LA PIEL QUE HABITO : chronique

17-08-2011 - 11:38 - Par

D’une pierre, deux coups : non seulement Pedro Almodóvar et Antonio Banderas se retrouvent vingt et un ans après ATTACHE-MOI !, mais, cerise sur le gâteau, cette réunion est exquise.

Ensemble, ils avaient déjà collaboré cinq fois pour LE LABYRINTHE DES PASSIONS, MATADOR, LA LOI DU DÉSIR, FEMMES AU BORD DE LA CRISE DE NERFS et ATTACHE-MOI ! Sonnez trompettes, Pedro Almodóvar et Antonio Banderas remettent le couvert avec LA PIEL QUE HABITO. Voilà un an, quand le projet avait été dévoilé, on se réjouissait d’autant plus que le cinéaste espagnol assurait vouloir diriger « une sorte de film d’horreur » adapté de « Mygale », un roman particulièrement hardcore du Français Thierry Jonquet. Banderas incarne ici Robert Ledgard, brillant chirurgien plastique qui, après la mort de sa femme dans l’incendie de sa voiture, a conçu une peau plus résistante que la normale grâce à la thérapie génique. Une révolution qu’il a testée sur Vera, sa jolie cobaye, qu’il retient prisonnière dans sa grande demeure. Parallèlement, Ledgard tente d’exorciser un autre traumatisme de son passé : le viol de sa fille, qu’il espère bien venger. Il serait criminel d’en dire plus, LA PIEL QUE HABITO affichant de multiples fausses pistes et autres twists, qui permettent à Almodóvar d’explorer avec malice tous les vices et états d’âme de personnages troubles et fascinants. À Cannes, la filiation du film avec LES YEUX SANS VISAGE de Georges Franju et SUEURS FROIDES d’Hitchcock a souvent été soulignée. À juste titre, LA PIEL QUE HABITO faisant autant référence aux expérimentations romantico-glauques du premier qu’au caractère obsessionnel du héros du second. Mais au-delà de ces influences marquées, Almodóvar trouve ici une eau parfaite pour alimenter son propre moulin, et peut ainsi revenir à ce qui a constamment hanté son cinéma, notamment l’identité sexuelle ou la complexité de la source du désir. Avec un humour quasi paillard – peut-être la seule grosse faiblesse du film – autant qu’avec mélancolie, le cinéaste espagnol livre un thriller profond, divertissant et hautement sexué, qui aborde frontalement les pans les plus déviants de son récit. La chose suinterait presque de phéromones, d’autant que Banderas, qui n’est jamais aussi bon et charismatique que lorsqu’il parle sa langue natale, s’abandonne totalement aux desiderata de son mentor. Qu’Almodóvar livre, à 61 ans, un long-métrage convoquant avec tant de force l’audace de ses œuvres de jeunesse – après plus d’une décennie d’opus léchés, mais sagement bourgeois qui plus est –, voilà une des meilleurs nouvelles de l’année.

De Pedro Almodóvar. Avec Antonio Banderas, Elena Anaya, Marisa Paredes. Sortie le 17 août.

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