L’ORDRE ET LA MORALE : chronique

16-11-2011 - 11:00 - Par

Mathieu Kassovitz s’attaque à la grande Histoire, fort d’une mise en scène époustouflante.

Nouvelle Calédonie, 1988. Alors que des tensions gangrènent les relations entre la France et sa collectivité, des kanaks indépendantistes attaquent une gendarmerie et procèdent à une prise d’otages d’une trentaine de képis. Négociateur, Philippe Legorjus va tenter d’établir le dialogue avec le groupuscule avant que le gouvernement ne donne le feu vert à un assaut militaire… Mais en métropole, l’élection présidentielle (opposant Chirac à Mitterrand) rend le climat électrique si bien que les décisions sont plus régies par les promesses de vote que par la raison. Tout conflit peut-il se résoudre par le dialogue ? Dépend de la bonne volonté de chaque partie. Dépend aussi des enjeux, qui surpassent souvent la situation. Mathieu Kassovitz, aussi agacé (pour faire sobre) par les politiques qu’il y a seize ans, à ses débuts, a sacrément affiné son cinéma. Si l’angle est toujours aussi à charge contre l’obscurantisme des puissants, s’il vise à dénoncer les intérêts personnels, souvent opposés au bien collectif, on déplore que L’ORDRE ET LA MORALE prenne son sujet au mot, et soit particulièrement verbeux. Sentencieux voire solennel. Surlignant son message, asséné par la voix off de Kasso (Legorjus). Dommage, tant sa narration se suffisait à elle-même pour faire passer le propos. Car en matière de cinéma, L’ORDRE ET LA MORALE envoie. Et il n’y a pas que le récit, d’une grande clarté – quiconque a quelques lacunes en histoire d’appréhender parfaitement cette affaire d’état – qui fait la force du film. La mise en scène, elle, alterne entre utilité, factuel et moments de bravoure. Deux scènes – dont le récit a posteriori de l’attaque de la gendarmerie – sont simplement brillantes, rappelant à quel point Kassovitz n’a perdu ni son savoir faire, ni son imagination, après ses incartades hollywoodiennes. La beauté de l’image, la délicatesse avec laquelle il peut décrire la relation entre Legorjus et le leader des preneurs d’otages, et l’horreur dans lequel il peut plonger le spectateur, ému de l’injustice générale, permet à Kassovitz de livrer son œuvre la plus maîtrisée, éprise d’une rage contrôlée, ambitieuse. C’est un véritable film d’auteur, avec un point de vue très personnel. Et L’ORDRE ET LA MORALE remplit son devoir de mémoire d’une bien jolie manière.

De Mathieu Kassovitz. Avec Mathieu Kassovitz, Iabe Lapacas, Malik Zidi. Sortie le 16 novembre

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