DES VENTS CONTRAIRES : chronique et interview de Jalil Lespert

12-12-2011 - 15:50 - Par

Des débuts derrière la caméra en 2007 avec 24 MESURES et hop, le comédien Jalil Lespert proroge sa carrière de réalisateur avec le splendide DES VENTS CONTRAIRES. Chronique et brève rencontre avec un cinéphile de goût.


Tout ne va pas bien dans le couple que forment Paul et Sarah. Un jour, elle disparaît. Après des mois d’attente et alors que l’enquête policière piétine, il décide de refaire sa vie en Bretagne, avec ses deux enfants. Et essaie de se reconstruire au gré des rencontres. Lui, c’est Benoît Magimel qui se voit offrir – par son metteur en scène de 24 MESURES – le rôle complexe, dense, d’un homme abandonné et paumé qu’il endosse avec une aisance déconcertante. Des années après son premier film, histoires croisées sur fond de jazz et récit méandreux, Jalil Lespert dégote à nouveau du beau dans la nature humaine, dans la profonde tristesse de la solitude. C’est sa spécialité, aurait-on envie de dire pour tout raccourci, or, cette fois, il use d’une narration simple, voire linéaire, d’une mise en scène sobre à l’entière disposition du jeu de ses acteurs. Au risque d’être un drame provincial de plus, rempli de chichis à la française ? Malgré les apparences, il ne faut pas lui coller l’étiquette trop vite. Ce n’est pas une recette préfabriquée qu’a appliquée le réalisateur à l’adaptation du bestseller d’Olivier Adam et l’absence totale de cynisme, la certaine naïveté de sa démarche et des sentiments tout bêtes qu’il y injecte, font des VENTS CONTRAIRES un petit morceau de cinéma d’une sincérité bouleversante.

De Jalil Lespert. Avec Benoît Magimel, Isabelle Carré, Ramzy. France. 1h31. Sortie le 14 décembre

Entretien

Comment expliquez-vous que Benoît Magimel, qui a joué dans vos deux films, ne soit jamais aussi bon que sous votre direction ?

Je ne dirais pas ça… Je me suis forcé à ne voir aucun film de Benoît pendant l’année qui précédait le tournage des VENTS CONTRAIRES. Je vois Benoît avant tout comme un immense comédien, et c’est une personne bouleversante dans la vie. Il me fait penser à ces acteurs à la Joaquin Phoenix, à la Sean Penn, des types qui ont quelque chose de profond, doublé d’une grande fragilité. Il est très instinctif mais il travaille énormément. On se comprend très bien dans le travail lui et moi. Il avait une belle partition à jouer dans DES VENTS CONTRAIRES et je n’ai eu qu’à orchestrer cela un petit peu. Je n’ai pas eu grand-chose à faire.

DES VENTS CONTRAIRES est un film beaucoup plus classique que 24 MESURES. Une certaine envie d’être plus accessible ?

Non, pas forcément… C’est l’histoire qui veut ça. Je pars d’un roman qui s’est beaucoup vendu et beaucoup lu… Vous savez, dans la vie, je déteste la posture. Donc la posture cinématographique, à moins d’être un génie, ça ne m’intéresse pas. En revanche, il faut s’intéresser au langage. Ici, ça me paraissait incongru de faire des 360° avec ma caméra, ou d’enchaîner les plans séquences à l’épaule… Pour raconter cette histoire, j’ai beaucoup pensé aux metteurs en scène avec qui j’ai moi-même bossé en tant qu’acteur. Beauvois, Cantet… Même si leur cinéma n’a rien à voir, j’y ai puisé un certain classicisme dans leur manière de manier l’objectif. Quand j’étais jeune, je me disais que c’était trop posé. Mais en revoyant ces films des années après, je me suis dit que c’était grâce à ça qu’ils vieillissaient bien. Et quand je me prenais la tête, sur mon petit film en Bretagne, avec ma petite histoire toute simple, je me disais « Oh mon Dieu, pourvu que ça fasse pas film de vieux ». Je pense qu’il fallait vraiment rester… « sobre ».

Dans le film, Ramzy frôle le contre-emploi dans un rôle de père de famille complètement perdu. Comment vous est venu l’idée de le faire participer au film ?

Au-delà de la figure « Ramzy » qu’on connaît et que j’apprécie énormément, je le trouve complètement charismatique. Je le trouve au dessus du lot, au dessus du réel, à part. C’est une personne très poétique, malgré son côté street. Je l’ai croisé un peu par hasard et c’est ce qui m’a immédiatement plu. Je me suis dit que c’était lui, qu’il fallait absolument qu’il prenne le rôle. Coup de bol, il a accepté tout de suite, bien qu’il n’ait jamais vraiment fait de film « sérieux ». Sauf qu’il est tellement… au dessus du lot, que j’ai mis trois mois à savoir s’il avait lu le scénario. Il ne répondait jamais au téléphone, ne me rappelait jamais. Au final, j’ai dû passer par sa femme : « Je t’avais dit que je le faisais, donc je le fais. Le scénario est super, le rôle est magnifique », il m’a dit. C’est quelqu’un de très impliqué, malgré les apparences.

Vous êtes quel genre de geek ?

Je suis un connard de geek en cinéma. Je vais voir les films que j’ai attendus impatiemment pendant des mois. J’évite d’aller en salles pour voir les trucs que je pense être des merdes. Ça me rend malade de perdre une heure et demie. Être déçu, ça ne me dérange pas mais je suis suffisamment geek pour avoir plus ou moins le nez fin. Récemment, je suis allé voir TINTIN, j’ai trouvé ça super.

Le meilleur et le pire film de 2011 pour vous ?

(Il réfléchit.) Le film de l’année, c’est probablement DRIVE. Je ne sais pas si c’est le meilleur ou le pire, mais j’ai adoré. Ça m’a mis une grosse tarte. La mise en scène, l’ambiance, Ryan Gosling que je connaissais peu… Peut-être qu’un jour, en le revoyant, je me dirai que c’est mauvais et je me demanderai pourquoi je l’ai aimé autant. Quant au pire film, il n’y a rien qui me vient. Pourtant, j’en ai vu des bouses… C’est bien que je ne m’en souvienne pas : ça veut dire que, comme les mauvaises critiques, ils ne sont pas faits pour marquer les esprits.

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