MARGIN CALL : chronique

02-05-2012 - 10:57 - Par

24 heures dans les bureaux d’une banque d’investissement ou la crise vue de l’intérieur. Un premier film brillant.

Avant de se faire licencier sans ménagement pour d’obscures raisons de rentabilité, Eric Dale (Stanley Tucci) confie à son jeune collègue Peter Sullivan (Zachary Quinto) une clé USB contenant ses plus récents travaux, et lui conseille de « faire attention ». Intrigué, le jeune trader de cette puissante banque d’investissement va découvrir, via ces documents, que les risques boursiers pris par l’établissement frôlent le suicide économique. En pleine nuit, il alerte son responsable (Paul Bettany), qui alerte son responsable (Kevin Spacey), qui alerte son responsable (Simon Baker), qui alerte le grand patron (Jeremy Irons). La vingtaine d’heures qui suit, faite de réunions, de pourparlers et de prises de décisions urgentes et cruciales, révèle alors le marasme et les dérives du capitalisme contemporain. Si l’on prend le temps d’exposer aussi longuement les faits, c’est que toute la maestria de MARGIN CALL repose sur les liens ténus entre ce qu’on nomme communément « les experts de la finance » (opérateurs de marché, contrôleurs des risques, ingénieurs financiers) tous représentés ici à échelle d’une seule firme. J.C. Chandor, dont c’est le premier long-métrage, dépeint le subtil équilibre sur lequel repose le capitalisme mondial et en profite pour tirer à vue. Personne ne connaît vraiment le travail de l’autre, tous sont ainsi obligés de justifier leur métier et leurs activités ; comme à la ruche, chacun est à sa place, mais tous, à l’instar des abeilles, ont le même souci de productivité. La même obsession de l’argent, à divers degrés. Mais MARGIN CALL n’est ni un manuel d’économie pour les nuls, ni un jeu de massacre. C’est un ballet – scolairement mis en scène, certes – à l’écriture remarquablement solide. Ne cédant jamais aux sirènes de l’hystérie collective, le scénario multiplie les dialogues sensés (sages, mais profondément inquiétants), les face à face éclairés et/ou menaçants, le tout dans une ambiance feutrée, où les doubles vitrages et la moquette hors de prix protègent le monde extérieur du chaos qui règne chez les cols blancs. Servie par un script rigoureux et accessible, la bande d’acteurs y va d’un talent discret mais imparable. Derrière ses airs de pièce de théâtre de luxe, loquace et vigoureuse, MARGIN CALL est un gros morceau de cinoche.

De J.C. Chandor. Avec Zachary Quinto, Kevin Spacey, Jeremy Irons. États-Unis. 1h50. Sortie le 2 mai

Note de la rédaction : 4/5

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.