SAYA ZAMURAÏ : chronique

11-05-2012 - 09:24 - Par

Pour son troisième film, Hitoshi Matsumoto oublie l’expérimentation et change de style. Ce qui ne l’empêche pas de signer un bijou.

Depuis un drame personnel, le samurai Kanjuro Nomi refuse de combattre et erre avec sa fille, Tae. Traqué par des chasseurs de primes, il est capturé et un défi lui est lancé : chaque matin, pendant trente jours, il devra proposer un sketch au fils du seigneur local, réputé pour son mutisme maladif, afin de le faire rire ou sourire. S’il n’y parvient pas, Nomi devra pratiquer le seppuku. En deux films à peine, BIG MAN JAPAN (2007) – mockumentaire parodiant les films de monstres à la GODZILLA – et SYMBOL (2009) – sorte de CUBE expérimental –, Hitoshi Matsumoto s’est imposé comme le plus original des cinéastes japonais. Avec SAYA ZAMURAÏ, qu’allait-il bien pouvoir inventer ? Les premières minutes, absurdes et hystériques, nous baignent immédiatement dans une ambiance délurée digne de BIG MAN JAPAN. Mais rapidement, Matsumoto prouve sa détestation de la redite, et cale son récit sur celui de la fable. Via le chemin de croix de son samurai, il plante son regard sur la relation franche et cruelle qui unit Nomi à Tae. Quasi muet, franchement largué, le premier tente de ne pas décevoir sa fille, toute en vannes et reproches véhéments envers son père. Cette colonne vertébrale comico- dramatique sert alors de fil rouge à un déroulé imparable durant lequel Nomi se démène pour faire rire le prince, tout en convainquant Tae qu’il n’est pas un loser total. Malgré une mécanique extrêmement calibrée (préparation, exécution, échec du sketch), SAYA ZAMURAÏ ne sombre pourtant jamais dans la répétition vaine et ennuyeuse, tant Matsumoto déploie ici des idées brillantes de montage et de mise en scène. Son humour sarcastique et son talent hallucinant pour le slapstick et l’humour visuel – parfaitement servi par un acteur amateur et lunaire, Takaaki Nomi – finissent même par rappeler irrémédiablement les auteurs comiques les plus illustres, de Chaplin (pour la tendresse) à Keaton (pour la mélancolie), en passant par les Marx Brothers (pour l’absurdité). Et après avoir mené le spectateur sur le chemin de l’hilarité pendant 1h30, Matsumoto peut soudainement sortir sa carte maîtresse : un dernier quart d’heure bouleversant, véritable morceau d’humanisme et d’intelligence émotionnelle, qui devrait provoquer les larmes des plus insensibles. Un moment de cinéma rare et gracile qui, sans aucun doute, fera date.

De Hitoshi Matsumoto. Avec Takaaki Nomi, Sea Kumada, Jun Kunimura. Japon. 1h43. Sortie le 9 mai

Note : 4/5

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