Une comédie sur l’échelle des valeurs, qui rend leur fierté aux laissés pour compte du capitalisme débridé.
Après avoir accumulé les conneries (plus ou moins graves), Robbie, jeune papa démuni et menacé par un gang rival, se voit condamné à des heures de travaux d’intérêt général. C’est pendant sa peine qu’il va s’initier à la dégustation du whisky. Il intègre ainsi, avec les copains repris de justice, un milieu aisé et élitiste dont ils vont essayer de tirer partie dans un dernier coup lucratif : voler un nectar rarissime lors d’une vente aux enchères. Devant la caméra du malicieux Ken Loach, piquer aux riches pour s’en sortir donne lieu à de la pure comédie, d’une tendresse imparable. C’est que les nantis ne sont pas, ici, à « la part des anges » près. Plaît- il ? La part des anges, ou les vapeurs de whisky qui s’échappent des fûts sans qu’on en fasse cas. Le cœur du sujet de Loach est là : il s’agit d’hurler au gâchis et de rendre aux quantités négligeables, humaines ou matérielles, de notre bonne vieille société, la valeur qu’elles ont réellement : inestimable. Mais si Loach nous avait refroidi il y a deux ans avec ROUTE IRISH, lourdaud et bêtement engagé, son nouveau film est, lui, aérien, rigolo, et délicatement énervé. Il n’y a pas de vrais méchants dans LA PART DES ANGES. Certes, il y a des loubards portés sur les coups de couteau, mais ils n’ont pas grand-chose à voir avec la choucroute. En revanche, il y a des millionnaires capricieux, des puissants inconscients, des petites frappes en pleine rédemption. Mais surtout, il est habité de personnages gentiment « inculturés » (voir le binoclard Albert) ou discrètement intelligents, tous animés par le bon sens du système D. Impossible de ne pas s’amouracher des pieds nickelés de Loach d’autant que les acteurs castés pour l’occasion ont la tronche de l’emploi (l’œil qui frise, le sourire narquois) et un talent énorme. Bien sûr, la recette du réalisateur britannique ne change pas d’un iota : beaucoup de dialogues (aussi ciselés soient-ils), les décors mornes des banlieues ouvrières, une mise en scène fonctionnelle. On est loin des coups de maître SWEET SIXTEEN ou LE VENT SE LÈVE. Mais si l’on doit faire une croix sur le grand cinéma de Loach (quoique cela reste encore à prouver), autant qu’on profite de ses petites comédies sociales, de ses tendres chroniques qui, sous couvert de légèreté et d’inconséquence, sont bien plus efficaces que la plupart des films politiques actuels. Ou comment faire un film de haute volée avec le peuple d’en bas.
De Ken Loach. Avec Paul Brannigan, Gary Maitland, Roger Allam. Grande-Bretagne/France. 1h41. Sortie le 27 juin
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