KILLER JOE : chronique

12-09-2012 - 09:19 - Par

La descente aux enfers insensée d’une famille de déglingués, orchestrée par William Friedkin.

Parce qu’il s’est fait piquer son stock par sa brave mère, Chris (Emile Hirsch), petit dealer, a des dettes. Sa seule idée pour se refaire ? Attention, elle est brillante : dessouder sa môman et se rincer au passage sur son assurance vie. Puisque son père (Thomas Haden Church) est un lâche et que sa belle-doche (Gina Gershon) est une saloperie, le jeune homme va embaucher Joe Cooper, un flic qui arrondit ses fins de mois avec la saine occupation de tueur à gages. Incapable de lui verser une avance, cette famille formidable va donner en caution… Dottie (Juno Temple), l’innocente sœurette, dont le professionnel de la gâchette s’est complètement entiché. William Friedkin, pas le plus gentil des réalisateurs, nous mène par la main chez les culs-terreux, ceux qui vivent dans des mobile-homes rouillés protégés par un pitbull mal éduqué et boivent de la bière au petit- déjeuner, mais qui pensent valoir mieux que ça. Une misère sociale et intellectuelle déclinée, selon chaque personnage, dans un éventail de répliques accablantes et d’actions drôlement bêtes. Et si le regard que porte Friedkin sur son bestiaire est pétri de cynisme, il y a une véritable jubilation malsaine à voir ses protagonistes se débattre dans une situation qu’ils rendent eux-mêmes inextricable. Mais il y a aussi un petit quelque chose de glaçant à comprendre que cette famille est maudite sur des générations entières par la guigne, la vraie, et le manque d’éducation. Comme punition divine, celui pour qui on sacrifie la vierge : Killer Joe. Ou la panoplie complète du vilain d’un cinéma de bouseux : les Santiags, les lunettes de soleil, l’accent à couper au couteau, le chapeau et bien évidemment l’arrogance de ceux qui ont le droit de tuer. Dans le rôle, Matthew McConaughey fait preuve d’une subtilité totalement exaltante qui transcende ce personnage de « méchant » vers un doux mélange de perversion et d’aspiration à la normalité. Et si tous ici cherchent maladroitement la rédemption sans savoir où elle se trouve, leur quête passe par un véritable bain de sang, où le gore s’impose toujours au milieu du mauvais goût typique des tragédies baroques. On peine à trouver le sens de ce bordel, mais le jeu de massacre est dirigé de telle main de maître qu’on prend un sacré plaisir à se gratter la tête.

De William Friedkin. Avec Matthew McConaughey, Emile Hirsch, Juno Temple. États-Unis. 1h42. Sortie le 5 septembre

Note de la rédaction : 4/5

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