Le réalisateur de GOMORRA se penche sur la soif de célébrité et de reconnaissance des gens qui ne sont personne.
Luciano est un père de famille, qui exerce le métier convivial de poissonnier à Naples. Incité par les siens à postuler pour l’émission « Grande Fratello » (équivalent transalpin du LOFT ou de SECRET STORY), cet homme exubérant et grande gueule se prend à rêver d’une vie de célébrité et d’argent facile. Malheureusement, le quadragénaire ne parvient pas à se rendre à l’évidence : le casting, réunissant jeunes mannequins et bimbos crétines, est bouclé et la production ne veut pas de lui. Pas grave, il est persuadé d’être mis à l’épreuve par Big Brother et va sacrifier épouse, métier, amis, argent, pour accéder à son rêve de gloire. Et voilà qui est bouclé. Une fois que Matteo Garrone a posé les excellentes bases de son wannabe brûlot contre le culte de l’image, il n’y a plus grand-chose à comprendre. Le problème fondamental de REALITY, c’est d’avoir dit ce qu’il a à dire en trente minutes et de traîner en longueur en bégayant son propos. L’étude de cas progresse très peu et s’en trouve rabattue. Les scènes s’enchaînent et se répètent et n’ont d’intérêt que par leur perfection formelle. Ayant déjà prouvé un talent de metteur en scène hors pair, maniant sa caméra avec élégance et composant richement ses cadres, Matteo Garrone s’impose encore comme un maître visuel déroulant un cinéma fluide, vif et ultrachorégraphié. Il se permet même de mâtiner son long-métrage d’hommages prégnants à la folie douce de Fellini. C’est sans nul doute un film malicieux, tant il exige l’attention du spectateur et la récompense de détails foisonnants. D’autant qu’à virevolter là-dedans, l’acteur amateur Aniello Arena est en état de grâce et sa performance confine au prodige. Dommage donc qu’il y ait plus à voir qu’à comprendre dans ce REALITY. Il nous paraît fort à propos qu’un cinéaste italien autopsie les opiums de son peuple ou le phénomène de « pipolisation » de sa société, elle qui a été gangrénée par un Berlusconisme hardcore et des blondes à forte poitrine en guise de femmes d’état. Et l’analyse est ludique, on en convient. Mais Garrone brasse du vent et ne statue rien qu’on ne savait déjà. D’aucuns auraient fait le même reproche à GOMORRA, plongée dans la pègre italienne de proximité, mais celui-ci avait l’ambition d’être une fresque totale et de marquer les esprits. Ce qui n’est pas le cas de REALITY, dont le sujet est moins fascinant et la portée, minuscule.
De Matteo Garrone. Aniello Arena, Loredana Simioli, Nando Paone. Italie. 1h50. Sortie le 3 octobre
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