LES HAUTS DE HURLEVENT : chronique

05-12-2012 - 10:57 - Par

La réalisatrice de FISH TANK s’empare du classique de la littérature anglaise pour délivrer un vibrant poème naturaliste.

Andrea Arnold est loin d’être la première à adapter « Les Hauts de Hurlevent », l’unique roman d’Emily Brontë, paru en 1847 : parmi la dizaine de réalisateurs qui s’y sont essayés, on compte des pointures comme Luis Buñuel, pour une étonnante relecture mexicaine, ou encore Jacques Rivette, qui transvase le récit victorien en Haute- Provence dans les années 1930. Mais la version la plus célèbre à ce jour reste sans doute celle de William Wyler (1939), avec Laurence Olivier dans le rôle principal. Loin du classicisme cher au réalisateur de BEN-HUR, Andrea Arnold esquive le confort du casting de stars et du folklore gothique à base de grands manoirs chics pour appliquer au classique de la littérature du XIXe siècle le traitement brut déjà à l’œuvre dans RED ROAD et FISH TANK. Soit un savant mélange de réalisme social à la Ken Loach et d’envolées lyriques. C’est dans la boue des landes anglaises que va se nouer la love story entre la jolie Cathy et le vilain petit canard Heathcliff. Recueilli dans la ferme du père de Cathy, l’enfant vagabond, joué par un acteur noir, doit non seulement supporter le fardeau de sa classe, mais aussi celui de sa couleur de peau, différente. Battu et insulté par le très brutal frère de Cathy, il tente de s’arracher à sa triste condition de domestique-esclave lors de fugaces échappées ludiques avec Cathy : abrités derrière un rocher, le cœur palpitant, ils écoutent le vent souffler sur le Yorkshire. Pour conter cette histoire d’amour tragique en deux temps (enfance puis âge adulte), aussi dark et obsessionnelle que platonique, la cinéaste s’intéresse aux correspondances poétiques entre les affects et l’environnement. Si elle n’a pas toujours la main légère sur le symbolisme et les allégories animales, Arnold sait conférer à son premier film d’époque une texture ultra-sensitive : attentive aux humeurs des saisons comme au bruissement des étoffes et aux variations du spectre lumineux, la cinéaste ancre ses personnages dans un théâtre naturel à la beauté sauvage et saisissante, sans se laisser aller à la pure contemplation. Captés caméra à l’épaule dans un format d’image presque carré, les paysages sont filmés sur le même régime intimiste que les visages juvéniles de Cathy et Heathcliff, formant ainsi un vibrant ensemble de tableaux lyriques.

D’Andrea Arnold. Avec Kaya Scodelario, James Howson, Solomon Glave. Royaume-Uni. 2h08. Sortie le 5 décembre

 

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