L’ODYSSÉE DE PI : chronique

19-12-2012 - 09:04 - Par

Ang Lee signe un film familial ambitieux et poignant, qui dérape parfois, mais sans jamais perdre sa puissance émotionnelle.

Pi Patel, 17 ans, voit son quotidien bouleversé lorsque son père, patron d’un zoo à Pondichéry, décide d’expatrier toute sa famille et une partie de leurs animaux au Canada. Quand leur navire fait naufrage, Pi se retrouve dans un frêle canot de sauvetage avec un orang-outan, un zèbre, une hyène et un tigre du Bengale. De M. Night Shyamalan à Alfonso Cuarón ou Jean- Pierre Jeunet, nombreux sont les réalisateurs ayant échoué à adapter le roman de Yann Martel, « L’Histoire de Pi », au cinéma. Il faut dire que le film avait tout pour se casser les dents sur le sentimentalisme d’un conte exaltant l’instinct de survie, la foi en Dieu ou le lien à la nature. On ne pouvait donc qu’applaudir l’arrivée d’Ang Lee à la barre, esthète dont l’œuvre est traversée de thèmes prégnants dans le bouquin, comme l’opposition entre tradition et modernité ou la transmission d’un héritage culturel. La première bobine de L’ODYSSÉE DE PI laisse pourtant envisager le pire : l’exposition – la rencontre entre un romancier (Rafe Spall, impeccable) et Pi adulte (le sublime Irrfan Khan) – bien trop expédiée, limite la prise qu’a le spectateur sur le récit. Des coupes (au montage ?) consenties sans doute pour arriver au plus vite au gros du sujet : la survie de Pi en pleine mer. Mais ce que le film gagne en rythme, il le perd en solidité de ses fondations. Heureusement, ces débuts bancals sont vite oubliés dès lors que débute l’aventure de Pi. De tours de force techniques (la 3D est d’une rare qualité), en idées visuelles donnant à chaque séquence des atours de tableaux de maître, Ang Lee fait preuve d’une audace qui pourra en repousser certains dans ses élans new age, mais qui s’avère payante en termes d’immersion. Surtout que le cinéaste ne tourne jamais le dos à la violence physique et psychologique du destin de Pi ou à la langueur sensorielle du livre, que l’on pensait intraduisible sur grand écran. Dans ces moments de silence ou d’inertie, L’ODYSSÉE DE PI gagne ses galons d’œuvre contemplative et exigeante, ne faisant aucun cadeau à son public. Jusqu’à une fin absolument splendide et bouleversante d’ambiguïté, laissant une grande place à l’interprétation. À la fois sombre et lumineux, optimiste et pragmatique, L’ODYSSÉE DE PI se révèle d’une richesse exaltante, et affiche une identité marquée dont la résonance en fait une expérience de cinéma indiscutable.

D’Ang Lee. Avec Suraj Sharma, Irrfan Khan, Rafe Spall. États-Unis. 2h05. Sortie le 19 décembre

 

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