Un superbe documentaire prouvant que la réalité invente des histoires encore plus fantastiques que n’importe quelle fiction.
Parce qu’ils possèdent une évidente prise sur le réel, les documentaires ont l’opportunité de susciter des émotions si puissantes et gorgées de sens, qu’ils en deviennent de véritables leçons de vie. Encore faut-il qu’ils parviennent à user d’un storytelling suffisamment assuré pour rendre justice à ce qu’ils content. C’est sans aucun doute la qualité première de SUGAR MAN : la force indéniable de son récit, ne craignant jamais le trop-plein de sentiments – parfois au détriment des informations ou du document même – ou d’user de processus narratifs (ellipses, structures en actes, suspense etc) visant la limpidité de la meilleure des fictions. Il fallait au moins ça pour témoigner du destin de Sixto Rodriguez. Musicien découvert dans un bar miteux au début des années 70, il signe un premier album, puis un deuxième, tous deux sublimes, mais tous deux des échecs retentissants. Alors qu’il sombre dans l’oubli, ses disques deviennent d’immenses succès en Afrique du Sud. Des emblèmes de la lutte contre l’Apartheid. Deux décennies plus tard, un disquaire et un journaliste locaux s’associent pour faire la lumière sur le destin du chanteur. La rumeur le veut mort par suicide, sur scène. Ce qu’ils vont découvrir est à milles lieues de la légende, mais s’avère encore plus surprenant. En bon documentaire musical, SUGAR MAN se propose tout d’abord de faire découvrir un artiste dont l’œuvre, réservée à certains initiés, se révèle d’une puissance poétique et sociale folle. Malik Bendjelloul saisit avec brio le génie de Rodriguez, expliquant sa musique avec une passion communicative grâce à des témoignages didactiques, tout en laissant le public la savourer via de longs extraits. Mais au-delà de ces intentions pédagogiques, Bendjelloul bâtit également un véritable thriller du réel. Qui est Rodriguez ? Que lui est-il vraiment arrivé ? Comment a-t-il surmonté (ou pas) l’échec ? C’est là, dans sa deuxième partie, que SUGAR MAN devient un grand film haletant et bouleversant, s’affranchissant de son genre. Sa construction méticuleuse et sa délicatesse narrative font s’épanouir un propos passionnant sur la création artistique. Son élan romanesque et sa sincère efficacité ouvrent une fenêtre sur la splendeur de l’âme humaine. Sa sortie un 26 décembre n’est pas un hasard : découvrir Rodriguez sera votre plus beau cadeau de Noël.
De Malik Bendjelloul. Suède / Grande-Bretagne. 1h26. Sortie le 26 décembre
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