SUGAR MAN : 7 Questions à Sixto Rodriguez

26-12-2012 - 09:11 - Par

Magnifique héros de SUGAR MAN, le musicien américain a distillé sa sagesse dans un entretien exclusif avec Cinemateaser. Attention, leçon de vie.

Avez-vous hésité avant de participer à SUGAR MAN ? Etiez-vous effrayé que le film en dise trop sur vous ou qu’il essaie un peu trop de décrypter vos chansons ?

Oui, j’étais sceptique, j’ai résisté… Je pensais qu’il n’y avait plus grand-chose à dire à mon sujet. Dans un film, on peut tourner une scène encore et encore jusqu’à obtenir ce que l’on veut. Sur scène, j’aime laisser de la place à l’imprévu. Et puis chaque auditeur doit pouvoir recevoir mes chansons comme il le souhaite. Si je destinais ma musique à une seule personne et à son interprétation, ce serait la fin ! Mais le sérieux et la passion de Malik (Bendjelloul, le réalisateur, ndlr) m’ont convaincu.

SUGAR MAN met parfaitement en lumière la puissance engagée de vos paroles. Par quoi ont-elles été nourries ?

J’ai 70 ans bien tassés, j’ai traversé les années 1940 à 2000 : toutes ces décennies m’ont inspiré, notamment la Seconde Guerre mondiale. J’ai vu beaucoup d’atrocités. Toutes ces images m’ont marqué…

Est-ce que notre époque censure davantage les Arts que durant les 70’s, selon vous ?

Aujourd’hui, nous sommes bombardés par toutes sortes d’informations provenant des gouvernements ou de personnes comme Rupert Murdoch, la presse racoleuse. Mais peut-être que nous sommes plus libres grâce à internet et aux nouvelles technologies. Par exemple, à mes concerts, les spectateurs filment avec leurs portables, et en ce sens, ils créent leurs propres médias !

Diriez-vous que vos chansons traitent de la lutte entre l’homme et l’establishment ?

Tout à fait. Je chante pour l’homme de la rue, le travailleur.

Seriez-vous d’accord pour dire que comme vos morceaux, SUGAR MAN raconte avant tout une histoire ?

Oui, tout à fait. 80% des chansons traitent du « je t’aime », « ne me brise pas le cœur » etc. J’ai essayé d’aborder des thèmes plus sociaux, plus politiques. J’ai voulu m’éloigner des visions dogmatiques et traditionnelles de l’Art. J’aime la définition qui est souvent faite de la country : « Pour en faire, vous avez besoin de trois accords, et d’une vérité à raconter ».

SUGAR MAN montre comment vos chansons ont inspiré les mouvements anti-Apartheid. Mais elles pourraient aussi illustrer les conflits contemporains. En les écrivant, aviez-vous le sentiment de toucher à une certaine universalité et intemporalité ?

En musique, il y a une véritable obsolescence accélérée. Regardez comme les chansons se chassent les unes les autres dans les charts ! Je ne pouvais pas imaginer que mes albums traverseraient le temps. Donc mon conseil aux jeunes musiciens est simple : investissez-vous dans votre Art, car il pourrait très bien durer plus longtemps que vous ne le pensez. Personne ne connaît le futur. Tout ce que l’on peut faire, c’est espérer.

Quand on voit SUGAR MAN, on ne peut qu’être scandalisé de vous voir spolié de vos droits d’auteur, et ému de constater votre calme olympien. Quel est le fond de votre pensée ?

Quand mon label a fermé en 1974, j’ai quitté la scène musicale. Et depuis, je n’ai plus jamais parlé à Clarence Avant (le patron de son label, ndlr) ou à quiconque du business. À l’époque, j’étais trop déçu pour être déçu, si je puis dire (sourire). Quand on est artiste, on ne s’engage pas sur un chemin balisé, tout comme on ne tombe pas amoureux en pensant que la relation s’effondrera un jour. Il ne faut pas avoir cette attitude. Et puis je vais vous dire : la haine est une émotion bien trop puissante pour qu’on la gâche en la destinant à quelqu’un que l’on n’aime pas (sourire). Je crois vraiment qu’en pardonnant, on se libère. Je dois à Clarence Avant de m’avoir fait débuter. C’est un fait que je ne pourrai jamais renier.

 

SUGAR MAN, de Malik Bendjelloul. Sortie le 26 décembre. Notre critique

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