THE GRANDMASTER : chronique

17-04-2013 - 08:58 - Par

Le nouveau film de Wong Kar-Wai est un somptueux bazar. Il était pourtant tant attendu…

Il fut annoncé comme un biopic d’Ip Man, ce personnage fascinant connu pour avoir initié Bruce Lee aux arts martiaux et dont la résistance spirituelle à l’envahisseur japonais a inspiré des millions de Chinois. THE GRANDMASTER n’est que l’illusion de son sujet. Bien sûr, Ip Man (Tony Leung) est la star du film puisque l’histoire suit majoritairement son adoubement en tant que combattant ultime du wing-chun, puis sa fuite vers Hong Kong lorsque les communistes arrivèrent au pouvoir en Chine – il faisait partie des nationalistes du Kuomintang. Mais il faut être un érudit de l’Histoire asiatique pour le saisir. Wong Kar- Wai exige du spectateur qu’il comble lui-même les trous béants de son scénario. Les contextes sont effleurés et lorsque d’évidentes fautes de récit se font jour, le réalisateur les rattrape en voix off. D’autant que l’histoire se ramifie au fur et à mesure : il nous présente Gong-Er (Zhang Ziyi), fille d’un grand maître de bagua (autre sorte de kung-fu), et dont la maîtrise de la figure mortelle des 64 mains lui confère une aura d’intouchable. Elle consacrera une partie de sa vie à venger son père, assassiné par son fils adoptif. Son destin et celui d’Ip Man sont étroitement liés. Gong- Er croisera également The Razor (Chang Chen), maître du baji, troisième école de kung-fu. Il fuira aussi le communisme. Malgré les évidents parallèles entre lui et Ip-Man, aucun n’est vraiment tracé à l’écran et ce personnage énigmatique n’apparaît que furtivement, comme un prétexte à d’événementielles scènes d’action. C’est d’ailleurs ce qui est totalement inattaquable dans THE GRANDMASTER : la mise en scène. L’art de sublimer un chausson glissant sous la pluie battante, le soin apporté à un plan d’affrontement, cette manière prodigieuse d’utiliser une lueur nocturne. Plastiquement, Wong Kar-Wai transcende la vieille tradition du wu xia pian et livre une œuvre d’une beauté indicible. Il aime à filmer ses acteurs, les érige en icônes. Alors pourquoi les traite-il si mal ? Un premier élément de réponse serait de constater que THE GRANDMASTER n’est pas un biopic d’Ip Man, ni même un biopic des personnages enivrants de Gong-Er ou de The Razor : il est une sorte de photographie mal imprimée de l’avènement de diverses écoles de kung-fu. Et la somme d’une poignée de grandes histoires… qui s’annulent, à force de partis pris incompréhensibles et de choix tout aussi discutables. Sous l’expéditif THE GRANDMASTER est tapie une fresque ultime sur la Chine et ses arts martiaux, qui durerait probablement quatre ou cinq heures. Elle frémit ; on voit tout son potentiel dans des scènes à la portée assez puissante. Mais elle n’émerge jamais, charcutée et massacrée par la certitude de Wong Kar-Wai que ses intentions doivent être comprises sans qu’il les expose clairement.

De Wong Kar-Wai. Avec Tony Leung, Zhang Ziyi, Chang Chen. Chine. 1h55. Sortie le 17 avril

 

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