Cannes 2013 : BEHIND THE CANDELABRA / Critique

21-05-2013 - 11:27 - Par

De Steven Soderbergh. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis (officiel) : Avant Elvis, Elton John et Madonna, il y a eu Liberace : pianiste virtuose, artiste exubérant, bête de scène et des plateaux télévisés. Liberace affectionnait la démesure et cultivait l’excès, sur scène et hors scène. Un jour de l’été 1977, le bel et jeune Scott Thorson pénétra dans sa loge et, malgré la différence d’âge et de milieu social, les deux hommes entamèrent une liaison secrète qui allait durer cinq ans. BEHIND THE CANDELABRA narre les coulisses de cette relation orageuse, de leur rencontre au Las Vegas Hilton à leur douloureuse rupture publique.

“C’est drôle qu’un tel public aime un truc aussi gay. » Derrière cette réplique du jeune Scott Thorson (Matt Damon) devant un spectacle de l’exubérant pianiste Liberace, on dénoterait presque l’ironie féroce et habituelle de Steven Soderbergh qui, après des années d’enfer de développement, a finalement décidé de faire BEHIND THE CANDELABRA pour la chaîne câblée HBO. « Trop gay », lui avaient répliqué tous les studios de cinéma lorsqu’il était en quête de financements. Sans doute n’avaient-ils pas décelé dans les intentions de Soderbergh toute l’intelligence qui sous-tend au final BEHIND THE CANDELABRA. En effet, le cinéaste part du principe que l’univers de Liberace – son spectacle à Las Vegas, sa maison, son cheptel de chiens, ses fourrures, son goût pour le strass… – serait difficilement appréhendable par un prisme uniquement dramatique. BEHIND THE CANDELABRA s’ouvre donc par un festival de légèreté. Divertissement outrancier – la première apparition de Liberace se fait sur scène et souligne sa virtuosité de pianiste tout comme son talent d’entertainer. Vannes hilarantes – « À moi seul, j’entretiens le business du strass autrichien », lance le musicien. Ironie cocasse… En jouant la carte de l’humour, la première demi heure profite d’un élan dévastateur, donnant au spectateur un point d’entrée facilitant le partage et la complicité. Une manière pour Soderbergh de mener alors le récit vers des territoires tout d’abord plus crus – il regarde sans fard mais sans voyeurisme la relation amoureuse de Scott Thorson et de Liberace –, plus cruels tant sur le miroir aux alouettes de la célébrité que sur la destruction du corps imposée par la dictature de l’apparence – via un personnage de chirurgien esthétique lifté campé par un fantastique Rob Lowe – et enfin plus sombres – quand la romance se délite. Dès lors, l’humour banni, BEHIND THE CANDELABRA s’offre un récit intime captivant et justifie parfaitement son titre anglais – le candélabre était la marque de fabrique de Liberace – en allant regarder au-delà des apparences, de la légende et de tout cliché. Une romance reste une romance, peu importe qu’elle soit gay ou hétéro. On regrettera toutefois que la structure même du scénario soit souvent extrêmement prévisible, lancée sur des rails d’une inéluctabilité assez frustrante, privant le film de tout réel élément de surprise. Un traitement plus expérimental ou plus éclaté aurait peut-être été bénéfique à l’ensemble, même si Soderbergh trouve dans le quasi académisme de sa narration une mécanique parfaite pour décrire le caractère vicié de la relation unissant Thorson à Liberace. Surtout qu’il accompagne le tout de l’habituel brio de sa mise en scène – ici, les redondances de composition de cadre ont une importance capitale – et d’une direction d’acteurs d’une précision affolante. Matt Damon y trouve l’un de ses rôles les plus denses dans tout ce qu’il a de désespéré et de tragique, tandis que Michael Douglas trouve avec Liberace un personnage à la hauteur de son statut de star d’un certain âge d’or. Les studios hollywoodiens ne voulaient pas de ce BEHIND THE CANDELABRA. Le film leur rétorque la plus froide des réponses : « Les gens ne voient que ce qu’ils veulent voir. »

De Steven Soderbergh. Avec Michael Douglas, Matt Damon. Etats-Unis. 1h58. Prochainement.

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