Cannes 2013 : NEBRASKA / Critique

23-05-2013 - 15:41 - Par

D’Alexander Payne. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis : Un vieil homme aigri et alcoolique pense avoir gagné un lot d’un million de dollars. Pour le remporter, il décide de partir dans un road trip du Montana au Nebraska. Son fils, avec qui il n’a jamais entretenu une relation très proche, embarque avec lui afin de le protéger. Le voyage va être l’occasion pour eux de nouer enfin un lien père-fils… Car en chemin, le père se blesse, forçant le duo à s’arrêter dans une petite ville du Nebraska dont le vieil homme est originaire. Là, il se reconnecte à son passé.

Onze ans après sa venue en compétition pour MONSIEUR SCHMIDT, dans lequel Jack Nicholson incarnait un vieux monsieur aigri qui s’ouvrait progressivement aux autres, Alexander Payne revient à Cannes avec NEBRASKA, une nouvelle histoire d’éveil. Cette fois, il pose sa caméra sur un vieil alcoolique à la limite de l’Alzheimer, dont les rapports avec ses fils frisent l’indifférence. Mais par la grâce d’un road trip incongru, l’un de ses garçons va peu à peu parvenir à se connecter avec son aîné… NEBRASKA n’a rien d’un grand film. D’aucuns le qualifieraient même de mineur. Ce serait toutefois passer outre ce qui constitue la qualité première du cinéma de Payne lorsqu’il est en pleine possession de ses moyens, à savoir la discrétion (voir THE DESCENDANTS). Bien que tourné en Scope et en noir et blanc, NEBRASKA brille par son humilité générale, par son ambiance cotonneuse, son calme, sa volonté manifeste de ne pas faire de vagues – qu’elles soient stylistiques ou narratives. Un certain retrait qui n’a pourtant rien d’un manque d’ambition puisqu’il sert un but simple et honorable : placer les personnages et leurs interprètes au centre de tout. Dans les rôles principaux, Bruce Dern livre une prestation sardonique et perchée des plus délectables, tandis que Will Forte – plus connu pour le SNL ou MACGRUBER – tout en nuances, ne tombe jamais dans la performance. Entourés de seconds rôles absolument fantastiques de naturel et de justesse – notamment June Squibb en épouse / mère à la langue de pute bien pendue –, ils donnent vie à une galerie de parias du rêve américain, évoluant dans un décor d’Americana extrêmement marqué, dont Payne tire le portrait avec une tendre ironie. Autant dire que sous le drame se cache une bonne tranche de déconne : l’écriture de Payne semble même n’avoir jamais été aussi libre, tant il maîtrise ici parfaitement l’art du décalage et du dialogue percutant. Un brio qu’il met au service d’une famille de mal vissés prêts à balancer les pires horreurs – non par méchanceté, mais par pure honnêteté – qui désacralisent autant l’intime que le non-dit. NEBRASKA vit littéralement de sa richesse humaine et, sans se donner des airs de grand film, aborde des thèmes profondément émouvants avec une simplicité bienvenue. Derrière des films mineurs se cachent parfois des instants de cinéma essentiels.

D’Alexander Payne. Avec Bruce Dern, Will Forte, Bill Odenkirk. Etats-Unis. 1h50. Prochainement

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.