SHOKUZAI : CELLES QUI VOULAIENT SE SOUVENIR / SHOKUZAI : CELLES QUI VOULAIENT OUBLIER : Chronique

01-06-2013 - 15:05 - Par

Kiyoshi Kurosawa livre un portrait de femmes inégal mais non moins fascinant, à la croisée des genres.

Sae, Maki, Akiko et Yuka, 10ans, assistent impuissantes à l’enlèvement de leur amie Emili, qu’elles retrouvent morte dans le gymnase de l’école. Quinze ans plus tard, rongées par le remords et liées à la mère d’Emili par une étrange promesse, elles vont toutes subir les conséquences de leur inaction le jour du drame… Étrange objet que ce SHOKUZAI (pénitence en français) : il s’agit à la base d’une série télé en cinq épisodes que les distributeurs hexagonaux Condor et Version Originale ont décidé de sortir en salles chez nous, sous la forme d’un diptyque, dont les volets sortent à une semaine d’intervalle. Une démarche louable – on doute que la série aurait été diffusée en France – qui joue toutefois des tours à SHOKUZAI. En niant sa construction sérielle et en empilant sur deux fois deux heures les cinq épisodes, le diptyque souligne d’autant plus le caractère inégal du récit. SHOKUZAI : CELLES QUI VOULAIENT SE SOUVENIR affiche ainsi deux segments intenses à la tension et à l’étrangeté palpables. SHOKUZAI : CELLES QUI VOULAIENT OUBLIER se révèle plus bancal, puisque composé d’un premier chapitre extrêmement accrocheur, suivi d’un deuxième dansant maladroitement sur le fil de l’ironie, tandis que le dernier, pourtant haletant, perd de son mordant dans un déluge d’explications didactiques. Néanmoins, au-delà de ces bémols, SHOKUZAI demeure une œuvre d’une rare complexité, où Kiyoshi Kurosawa – l’un des cinéastes japonais contemporains les plus passionnants – joue avec brio d’ellipses et de non-dits pour bâtir la psychologie de ses cinq protagonistes. Bien que victimes du destin et des hommes, bien que prisonnières de leurs névroses, leur fragilité n’a d’égales que leur détermination et leur volonté de prendre le dessus sur leur existence tragique. Ce subtil portrait de femmes se révèle d’autant plus captivant que Kurosawa, esthète devant l’Éternel, bâtit un écrin visuel millimétré – lignes de fuite vertigineuses, cadres claustrophobiques, lumières élégiaques ou cauchemardesques – où son talent de conteur s’épanouit une fois de plus pleinement. On retrouve ici tout ce qui a fait la diversité de sa filmographie, Kurosawa faisant de SHOKUZAI une sorte de cocktail où se mélangent son serial killer movie CURE, son film d’horreur KAIRO, son thriller fantastique RETRIBUTION ou son drame familial TOKYO SONATA. De quoi ravir ses admirateurs, mais de quoi faire aussi office de parfaite introduction pour les profanes.

SHOKUZAI : CELLES QUI VOULAIENT SE SOUVENIR. De Kiyoshi Kurosawa. Avec Kyoko Koizumi, Yu Aoi, Eiko Koike. Japon. 1h59. Sorti depuis le 29 mai

SHOKUZAI : CELLES QUI VOULAIENT OUBLIER. De Kiyoshi Kurosawa. Avec Kyoko Koizumi, Sakura Ando, Chizuru Ikewaki. Japon. 2h28. Sortie le 5 juin

 

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