Toronto 2013 : DON JON / Critique

05-09-2013 - 22:05 - Par

De Joseph Gordon-Levitt. Avec Joseph Gordon-Levitt, Scarlett Johansson. Special Presentations.

Pitch : « Dans sa vie, Jon Martello dépersonnalise tout : son appartement, sa voiture, sa famille, son église et bien sûr, les femmes. Ses amis le surnomment Don Jon car, chaque week-end, il est capable de séduire des bombes sans jamais subir le moindre échec. Mais même ses aventures les plus exaltantes ne sont rien comparées au plaisir qu’il ressent lorsqu’il regarde des pornos sur son ordinateur. Insatisfait, il embarque dans un voyage existentiel afin de connaître une vie sexuelle plus gratifiante, et via deux femmes, va apprendre des choses essentielles sur la vie et l’amour. »

Après être devenu une icône indé – BRICK, MYSTERIOUS SKIN, 50/50 – et hollywoodienne – INCEPTION, THE DARK KNIGHT RISES, LINCOLN –, Joseph Gordon-Levitt se lance l’ultime défi : passer derrière la caméra. Un de ces challenges qu’il se devait de relever haut la main, sous peine de subir le retour de bâton de tous ceux l’attendant au tournant. Avec DON JON, il livre un portrait caustique et emballant d’un égocentrique se roulant dans la fange de la masculinité la plus beauf. Un mec capable de lancer, en y croyant, des phrases aussi définitives et fleuries que : « La chatte, c’est bien, mais pas autant qu’un porno ». Le tout entre deux confessions à l’Eglise, où il débite à son prêtre le nombre de fois où il s’est masturbé cette semaine, en espérant l’absolution… Autant dire que DON JON se déroule sur un air de folie douce et de totale hilarité. Dialogues, situations, interprétations, belles idées de mise en scène et de récurrences de montage : tout concourt à un grand show comico-cartoonesque. Mais pas uniquement : les contradictions et les excès de ce garçon, Gordon-Levitt les observe avec acuité et empathie. Pour l’aider à bâtir cette analyse jusqu’au-boutiste, le néo-réalisateur a un allié de poids : lui-même, dans le rôle-titre. Il joue ici plus libéré que jamais, n’hésitant jamais à pousser le bouchon trop loin, à aller vers le franc mauvais goût ou l’outrance assumée. Une performance enlevée, qui tire vers le haut celles de tous ses comparses, notamment Scarlett Johansson – qui détourne son sex appeal pour en faire un exemple tonitruant de vulgarité – ou Tony Danza – en père ayant sans aucun doute servi de modèle à son rejeton, tant leur attitude et leur look apparaissent similaires. Alors certes, le parcours de Jon Martello ne s’avère pas vraiment surprenant et l’on décèle assez rapidement vers quoi Gordon-Levitt tend, et la manière dont il va y parvenir. On dénote même une certaine difficulté à boucler son récit sans bégayer. Il n’en demeure pas moins qu’il développe ici un propos passionnant sur la manière dont toute une génération a vu son rapport à autrui, à l’amour et au sexe gangréné par le pouvoir de l’image. Qu’elle provienne de la pub, des clips vidéo, des films de série Z, des pornos ou des comédies romantiques. Un flot qui mène chacun à se bercer d’illusions, à se construire des credo existentiels dénués de la moindre spiritualité. Gordon-Levitt ne sombre pas pour autant dans la dénonciation facile ou puritaine puisqu’il laisse l’opportunité à ses personnages de déroger à ce que la société de l’image semble avoir fait d’eux. Son regard est moderne, décomplexé, gorgé d’intentions louables exécutées avec sincérité. Clairement, ceux qui l’attendaient au tournant attendent encore.

De Joseph Gordon-Levitt. Avec Joseph Gordon-Levitt, Scarlett Johansson, Julianne Moore, Tony Danza. États-Unis. 1h30. Sortie le 25 décembre

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