MA VIE AVEC LIBERACE : chronique

18-09-2013 - 10:35 - Par

Steven Soderbergh regarde au-delà des apparences dans MA VIE AVEC LIBERACE. Plus qu’un simple biopic, un immense (télé)film sur l’amour désespéré et la dure loi du show-business.

MA VIE AVEC LIBERACE revient sur le phénoménal Liberace, pianiste prodige et chouchou de ces dames dans les années 50 à 70. Derrière l’apparat du showman consensuel et admiré, du mythe toujours vivant aujourd’hui dans la culture américaine, était tapi un homosexuel richissime et un businessman éclairé. Adapté des Mémoires de Scott Thorson, ancien amant du musicien, le film n’est pas un biopic intrinsèque, mais un portrait dessiné par un homme qui l’a connu intimement, bibliquement, et la chronique d’un amour destructeur. Car si Thorson était l’ami et l’amant de Liberace, il était aussi son fils, son protégé, son jouet. MA VIE AVEC LIBERACE démarre sur une jovialité enthousiasmante, une légèreté digne de la pure comédie, un spectacle riant plein de strass et de paillettes. Un point d’entrée grisant vers un long- métrage plus sombre et plus personnel relatant les affres de la passion et des caprices amoureux. Et qui n’en oublie pas d’éreinter le diktat des apparences dans une société du spectacle fondée sur le culte de soi. Liberace est un personnage : grandiloquent, extravagant, paré d’artifices, aussi exigeant envers lui-même qu’envers les autres. Il s’entoure utile, s’amourache puis se lasse. Le héros classique de son propre mélodrame. Campé avec noblesse par Michael Douglas, il véhicule sous ses peignoirs en soie et ses fonds de teint orange une dimension tragi-comique profonde. Face à lui, le naïf Thorson, incarné par Matt Damon, excellent, fait office de victime idéale. Et son chirurgien (incroyable Rob Lowe) est le monsieur loyal d’un freak show spectaculaire, lui qui défigure ses clients à grands coups de bistouri. Bien sûr, tout ça pourrait paraître stéréotypé si les faits n’étaient pas réels. D’ailleurs, le scénario de MA VIE AVEC LIBERACE, soumis à son écrasant sujet, ne fait pas preuve d’originalité. Il est clair, évolue sur des rails, joue sagement au jeu de l’annonce-paiement prévisible. Mais tous ces automatismes d’écritures, symptomatiques d’un film de télévision, sont littéralement transcendés par la réalisation de Steven Soderbergh, millimétrée, où chaque redondance à son sens. La plus grande qualité de MA VIE AVEC LIBERACE n’est pas son audace. C’est son exigence de mise en scène et d’interprétation, qui confine au sublime. Son intelligence à souligner l’universalité de l’amour alors que l’homosexualité divise encore les sociétés… Hollywood disait du film qu’il était trop gay. Soderbergh répond de manière lapidaire dès les premières minutes : Thorson, alors émerveillé devant le concerto de Liberace, lance « C’est drôle qu’un tel public aime un truc aussi gay ». Réplique un peu bête qui provoque le rire de connivence. Un rire qui veut tout dire.

De Steven Soderbergh. Avec Michael Douglas, Matt Damon, Rob Lowe. États-Unis. 1h58. Sortie le 18 septembre

 

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