LETTRE À MOMO : chronique

25-09-2013 - 11:23 - Par

L’auteur du désespéré JIN-ROH, LA BRIGADE DES LOUPS, revient aux affaires. Dans un registre complètement différent, LETTRE À MOMO confirme le statut d’oiseau rare pour Hiroyuki Okiura.

Le poids des mots varie selon une foultitude de paramètres, qu’il s’agisse de leurs placements, leur agencement, ou même leur absence. Un peu à la manière de cette lettre inachevée tenant sur ce seul « Chère Momo… » dans laquelle on devine la volonté d’un homme à reprendre un dialogue interrompu avec sa fille de 13 ans, après une vive dispute dominée par le ressentiment et la déception de Momo. La conversation est hélas sans suite puisque son père meurt tragiquement sans avoir pu s’expliquer. Sa mère Ikuko ne pouvant plus se permettre de rester à Tokyo, Momo déménage sur l’île de Shio. Peinant à s’intégrer dans son nouvel environnement reculé, la jeune fille est écrasée par la culpabilité. Jusqu’au jour où elle découvre que sa nouvelle maison est hantée par trois « yokai », des créatures spirituelles du folklore japonais. Ils n’ont pas choisi ce domicile par hasard. En 1999, JIN-ROH, LA BRIGADE DES LOUPS voyait l’émergence de Hiroyuki Okiura en tant que cinéaste. Sa relecture nihiliste et violente du Petit Chaperon Rouge au lendemain de la défaite de la Seconde Guerre mondiale et le traumatisme de la bombe atomique dans un Japon uchronique, impressionnait autant que son souci du détail hors du commun. Le grand public sait moins que son parcours parlait déjà pour lui au travers de son expérience dans les départements animation et design d’incontournables comme ROUJIN Z d’Otomo et surtout GHOST IN THE SHELL de Mamoru Oshii ; des œuvres musclées dans leur genre. Okiura aura mis sept ans à boucler LETTRE A MOMO, pur film dit « de jeunes filles », riche en situations intimistes. Sur le papier, LETTRE A MOMO partage quelques similitudes avec le mythique MON VOISIN TOTORO de Miyazaki : une gamine, un village isolé, un ton doux-amer et un glissement progressif vers le surnaturel. Pari casse-gueule de se mesurer à un tel monument mais pari réussi puisqu’Okiura bouscule deux paramètres. Tout d’abord, là où d’autres auraient joué la carte du mignon, le cinéaste surprend dans le portrait de ses yokai : bien que pleins de bonnes intentions, ces derniers, d’une laideur manifeste, sont des pieds nickelés fauteurs de trouble, des grossiers personnages plus occupés à chaparder et mettre Momo dans des situations périlleuses qu’à remplir leur mission. Enfin, au lieu de basculer dans un univers onirique affranchi des règles quotidiennes, la chronique adolescente reste ancrée dans un décorum réaliste et un tempo lent. Et sa réussite repose sur la méticulosité stylistique légendaire d’Okiura : faire en sorte que le festin visuel naturaliste soit au diapason de la profondeur des sentiments.

De Hiroyuki Okiura. Avec les voix de Karen Miyama, Yuka, Toshiyuki Nishida. Japon. 2h. Sortie le 25 septembre

 

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