THE IMMIGRANT : chronique

27-11-2013 - 09:39 - Par

Sans atteindre l’évidente puissance de ses précédents films, le nouveau James Gray confirme que le cinéaste évolue largement au-dessus de la mêlée.

Au début des années 1920, Ewa (Marion Cotillard), jeune Polonaise, arrive à New York et tombe sous le joug de Bruno (Joaquin Phoenix), maquereau et patron de cabaret. Bientôt, il se dispute l’affection d’Ewa avec Orlando (Jeremy Renner), son cousin magicien. En quatre films, James Gray a développé une œuvre hautement personnelle, revenant aux sources de ses racines de col bleu d’origine russe. En se penchant sur le destin d’une immigrante slave, il creuse encore un peu plus son héritage familial, lui dont le grand-père avait débarqué à New York en 1923. Pourtant, THE IMMIGRANT opère une mutation : Gray, cinéaste de la psyché masculine, s’intéresse ici en grande partie à une femme. Et là réside l’une des rares failles de THE IMMIGRANT. Alors qu’il bouleversait en filmant deux parangons de virilité se disant je t’aime dans LA NUIT NOUS APPARTIENT ou quand il déchiffrait avec tact les atermoiements d’un romantique confronté au pragmatisme dans TWO LOVERS, il peine à cerner Ewa avec le même brio. En exposant les nœuds psychologiques avec une facilité déconcertante (la peur d’Ewa et son dégoût de Bruno ne font très vite aucun doute), il empêche son héroïne de sombrer dans la naïveté crasse. Mais, ce faisant, il se prive aussi d’un certain mystère, ne laissant à Ewa que la place de la victime plaintive, rabâchant son credo comme une litanie. Une place ardue à tenir, celle d’un moteur mélodramatique, pour laquelle les épaules de Marion Cotillard semblent trop frêles. Pourtant, impossible de voir en THE IMMIGRANT un raté. Car, comme le cinéma de Gray en général, son dernier film s’avère bien plus complexe. Sa puissance émotionnelle se dévoile à la manière d’un virus, tapie derrière la morbidité de cet univers, dans les regards de prédateur ou de bête blessée de Joaquin Phoenix, dans la prestation solaire de Jeremy Renner, et évidemment, dans la précision redoutable et la magnificence de la mise en scène. Dénué du souffle de vie qui offrait aux précédents films de James Gray des élans romanesques imparables, THE IMMIGRANT lorgne du côté du sordide, d’une atmosphère étouffante dont va émerger la beauté intrinsèque du récit. Celle qui gît dans la confusion, entre le devoir de pardon et celui de contrition. Là, THE IMMIGRANT prouve tout le génie de Gray : quand certains se seraient complu dans le misérabilisme, lui dégaine en guise de conclusion l’un des plus beaux plans de sa carrière, une image d’une grâce infinie au symbolisme déchirant, où les cœurs se rejoignent au moment où les corps se séparent.

De James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix, Jeremy Renner. États-Unis. 1h57. Sortie le 27 novembre

 

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