RÊVES D’OR : chronique

04-12-2013 - 12:23 - Par

Présenté à Cannes en mai dernier, RÊVES D’OR était l’un de nos coups de cœur du festival. Un grand film, à la fois délicat et violent, sur le destin des migrants sud-américains vu par le prisme de l’adolescence.

Ce mois-ci, deux films très différents auscultent la grandeur et les misères du rêve américain. Si dans THE IMMIGRANT, James Gray s’empare de la question en plongeant tête baissée dans le mélodrame en costume, allant chercher à Ellis Island et sur le visage de Marion Cotillard la puissance sombre du cinéma muet, Diego Quemada-Diez pose lui la question à quelques kilomètres de la frontière. Comment mieux filmer la puissance du rêve qu’en racontant le destin de ceux qui ne font que le toucher du doigt ? Ces RÊVES D’OR pensent donc l’Amérique du côté du Mexique, à quelques kilomètres de ce que certains voient encore comme une « terre de tous les possibles ». Le film a l’intelligence de poser son récit au cœur de l’adolescence, quand le monde semble encore un lieu à conquérir. Ils sont trois, Juan, Sara et Samuel. Ils ont l’énergie de leurs 15 ans, mais ont surtout en tête les images d’une Amérique de fiction, d’une Amérique pleine de héros, où la vie est forcément incroyable et pleine d’aventures. Récit d’apprentissage, RÊVES D’OR lance ce trio sur les routes rocailleuses du Guatemala, direction le pays rêvé. Extrêmement naturaliste dans le soin qu’il porte à décrire précisément les conditions d’existence de ces migrants, le film ne s’enferme pourtant jamais dans la sécheresse documentaire. Tout autant road movie que teen movie, il épouse la fébrilité, l’insouciance mais aussi la cruauté de l’adolescence. Avec l’arrivée de Chauk, jeune indien tzotzil, l’équilibre du trio se trouve menacé. Brimades, rejets, violences et jalousie amoureuse prennent soudain le pas sur le rêve initial. Culminant dans une formidable séquence de bal mexicain, cette première partie capte avec beaucoup de douceur et de mélancolie la beauté de ce voyage adolescent. Mais alors qu’ils se rapprochent de la frontière tant convoitée, le film vire au cauchemar et brise les ailes de ses personnages. D’une grande violence, à la fois physique et émotionnelle, ce basculement « jusqu’au-boutiste » peut paraître artificiel. Pourtant, l’amertume et la détresse finale en disent long sur la portée politique du film. Alors que le générique défile, on retrace le chemin parcouru, les yeux secs mais le ventre noué. Sans jamais basculer dans le grotesque ni dans une certaine forme de complaisance voyeuriste, Diego Quemada-Diez réussit un film cinglant, comme une pastorale un peu absurde où la cruauté des hommes s’oppose à la bienveillance de la nature. À la fois solaire et profondément noir, RÊVES D’OR est un coup de poing au cœur et à l’âme.

De Diego Quemada-Diez. Avec Karen Martínez, Rodolfo Dominguez, Brandon López. Mexique. 1h42. Sortie le 4 décembre

 

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