R : chronique

14-01-2014 - 16:43 - Par

Le réalisateur de HIJACKING livre une plongée asphyxiante et désespérée dans l’univers carcéral, qui n’est pas sans rappeler UN PROPHÈTE.

L’été dernier, Tobias Lindholm – scénariste du prodigieux LA CHASSE et auteur de la série BORGEN – impressionnait avec HIJACKING, exploration sans fard, anti spectaculaire et tendue du piratage moderne. Quelques mois plus tard seulement nous parvient R, qui n’est pourtant pas son deuxième effort de réalisateur (qu’il assure conjointement à Michael Noer) mais bien son premier, réalisé en 2009 et sorti en 2010 au Danemark. Autre univers, mais mêmes intentions : Lindholm et Noer livrent ici une étude à la limite du documentaire d’un monde hautement cinématographique, la prison. Et dès le premier plan – un jeune homme dans un fourgon –, R se pose en version danoise du chef-d’œuvre de Jacques Audiard, UN PROPHÈTE. Une comparaison que l’on ne fait pas à l’emporte pièce et qui n’engage évidemment pas la sincérité des cinéastes – puisque les deux films ont été produits à un intervalle rapproché. En effet, R partage avec UN PROPHÈTE plusieurs points de narration – Rune est dès son arrivée en prison forcé d’attaquer un codétenu, il tombe sous la coupe d’un gang faisant la loi, il trafique pour survivre. Mais au-delà de ces similitudes, R et UN PROPHÈTE partagent surtout le même esprit offensif dans leur propos – l’incarcération comme accélérateur du vice et de l’amoralité. La comparaison s’arrête là, R se révélant moins lyrique que son homologue français, plus austère esthétiquement et strictement limité à l’enceinte de la prison. Lindholm et Noer usent d’une caméra très mobile et de cadrages serrés (logique) pour accentuer le réalisme et le caractère claustrophobe de leur film. Surtout, ils bâtissent l’ambiance de R avec talent : en quelques scènes d’une violence insoutenable survenant dans la première bobine, ils ancrent le récit dans un sentiment étouffant d’imprévisibilité. Une chape de plomb qui permet aux cinéastes de plonger le spectateur dans une apnée souvent terrifiante. En collant aux basques de Rune (l’excellent Pilou Asbæk, déjà de HIJACKING), ils regardent sans concession l’humiliation physique, la pression psychologique, la peur, la bestialité et la lente perversion morale qu’il connaît, de force, au contact de ses codétenus. Jusqu’à ces deux redoutables derniers plans, qui accusent avec rage un système voué à l’échec. Si R s’avère parfois imparfait – le rythme manque de maîtrise et le récit apparaît parfois balisé –, il n’en reste pas moins une expérience prenante, avec son lot de surprise et d’audace. De quoi confirmer que Lindholm est bel et bien un des talents danois les plus assurés, à défaut d’être le plus connu ou célébré.

De Tobias Lindholm et Michael Noer. Avec Pilou Asbæk, Dulfi Al-Jabouri, Roland Møller. Danemark. 1h36. Sortie le 15 janvier

 

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