LES BRASIERS DE LA COLÈRE : chronique

15-01-2014 - 10:00 - Par

Scott Cooper (CRAZY HEART) assoit la puissance de son cinéma et, au passage, offre à un Christian Bale exceptionnel son rôle le plus poignant.

Dans un drive-in, un couple se dispute. Un citoyen lambda s’interpose et subit l’ire d’un homme impitoyable. La mort d’un certain American Way of Life – les cinémas à ciel ouvert, vestiges d’une culture populaire décrépite – et les conséquences funestes d’un acte désintéressé : la scène d’ouverture des BRASIERS DE LA COLÈRE, violente jusqu’à l’écœurement et triste à en pleurer, affiche clairement les intentions du récit et saisit au col. Scott Cooper, auteur en 2010 de l’excellent CRAZY HEART, confirme, lui, que son travail ne s’embarrasse d’aucun compromis. Après avoir gorgé son premier opus d’espoir, il se confronte ici à tout ce qui gangrène son pays : une économie chancelante, des guerres incompréhensibles, la déréliction d’un peuple ne récoltant plus les fruits de la puissance américaine, la déliquescence du tissu social… Le tout, dans une histoire empruntant au revenge thriller : Russell Baze (Christian Bale), simple ouvrier tentant de subsister, va devoir s’opposer à la terreur locale, Harlan DeGroat (Woody Harrelson, impeccablement menaçant), pour défendre sa dignité. Pourtant, il n’a rien d’un héros ou d’un vigilante, il n’est qu’un homme comme tant d’autres, noble et droit. Qui assume ses fautes et ses faiblesses. Un col bleu poussé dans ses retranchements par une accumulation insupportable d’injustices. Loin d’exalter des ardeurs simplistes – un problème récurrent du revenge movie –, Cooper use d’une narration méticuleuse et d’une mise en scène naturaliste ne se refusant aucun élan d’esthétisme pour bâtir un hommage déchirant à une Amérique oubliée et agonisante. Pour lancer un cri de révolte furieusement actuel – et pourtant intemporel et universel. C’est là toute la puissance des BRASIERS DE LA COLÈRE : jusqu’au-boutiste, Cooper filme sans fard la façon dont Russell n’a malheureusement plus que la violence comme recours, tiré vers le fond par des circonstances déshumanisantes. Son parcours apparaît comme un redoutable « cautionary tale », un conte édifiant aux ressorts émotionnels d’autant plus bouleversants que Russell semble tout perdre en chemin. Christian Bale, mutique, tout en intériorité blessée, y trouve tout bonnement son plus grand rôle et y livre sa prestation la plus complexe – et ce n’est pas peu dire. Ses regards, d’une affliction insondable, hantent durablement le spectateur et hissent ce film de cœur et de tripes parmi les indispensables de ce début d’année.

De Scott Cooper. Avec Christian Bale, Woody Harrelson, Casey Affleck. États-Unis. 1h56. Sortie le 15 janvier

 

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