DALLAS BUYERS CLUB : chronique

29-01-2014 - 10:55 - Par

Un film littéralement dévoré par les prestations presque poétiques de ses acteurs principaux, Matthew McConaughey et Jared Leto.

Longtemps résident de la Black List – qui recense les scénarios américains les plus ambitieux encore sans producteur –, DALLAS BUYERS CLUB échoue aujourd’hui entre les mains de Jean-Marc Vallée. Étrange de retrouver le cinéaste du sympathique CRAZY à la tête d’un projet aussi abrasif. Soit l’histoire vraie et terrible de Ron Woodroof, sorte de résidu de cowboy redneck qui se balade la virilité en bandoulière. Nous sommes au milieu des années 80 et la vie de ce John Wayne raté bascule le jour où on lui diagnostique une forme avancée de VIH, cette maladie encore inconnue que l’on croyait réservée aux homosexuels et aux drogués. Épousant le parcours classique et répétitif du malade (déni violent / abattement profond / combat), le scénario dévie pour raconter la guerre que va mener ce « héros » contre l’industrie pharmaceutique. Au cœur de DALLAS BUYERS CLUB, il y a notre regard sur les malades, mis en crise ici par ce personnage détestable auquel on ne peut s’identifier. Idée forte donc, qui appelle à un film tranchant et déstabilisant. Pourtant à l’arrivée, DALLAS BUYERS CLUB est rond, moins gênant qu’anticipé, plus accessible aussi. Vallée illustre ce récit plus qu’il ne déroule un véritable point de vue. Hésitant en permanence entre la farce grinçante sur la maladie et la fresque édifiante sur l’homme face à la société, il finit par émousser tous les recoins les plus anguleux de son histoire. Le film se coule petit à petit dans une mise en scène certes efficace mais passe-partout. Comme dévoré par la prestation extrême de Matthew McConaughey en diable rachitique et celle tout en féminité empoisonnée de Jared Leto (il incarne un transexuel toxicomane), le réalisateur disparaît derrière ses monstrueux acteurs, qui crèvent littéralement l’écran. On est fascinés, dérangés, bouleversés par ces comédiens offrant toute leur humanité à des personnages finalement pas tant marginaux que profondément destructeurs, vecteurs de nuance et d’âpreté. On imagine combien le réalisateur a pu être troublé par ces performances corporelles hors norme, à la limite du danger. Difficile parfois de soutenir le regard face à la maigreur de McConaughey ou le flétrissement progressif de Leto. Pourtant ils parviennent à habiter ces corps meurtris. Et interprète et personnage de se mélanger soudain, créant un vertige passionnant. Grâce à ce duo, DALLAS BUYERS CLUB décolle et retrouve la grâce noire du MACADAM COWBOY de John Schlesinger. Peut-être faut-il saluer l’humilité de Vallée à offrir ainsi le film à ses acteurs. On attendait un grand drame, on aura une grande interprétation.

De Jean-Marc Vallée. Avec Matthew McConaughey, Jared Leto, Jennifer Garner. États-Unis. 1h57. SORTIE LE 29 JANVIER

 

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