THE RYAN INITIATIVE : chronique

29-01-2014 - 11:04 - Par

Kenneth Branagh ressuscite Jack Ryan dans un thriller d’espionnage moderne et emballant qui ne cède jamais aux sirènes de la surenchère.

Il suffit parfois d’un rien pour définir un personnage et exposer des enjeux complexes. Dans le cas de THE RYAN INITIATIVE, cinquième incarnation au cinéma de Jack Ryan, analyste de la CIA créé sur papier par Tom Clancy ? Un pré-générique dans lequel le protagoniste s’éveille d’une sieste bucolique (littérale et métaphorique) pour se voir confronté à l’un des pires traumatismes que son pays ait connus. Une tragédie qui le pousse à l’engagement, mais qui ne l’empêche pas de faire preuve d’une pensée propre, à la limite de la rébellion – « Mal-aimé en haut lieu ? », lui demande-t-on. « J’essaie juste d’être utile », rétorque-t-il. En quelques minutes à peine, THE RYAN INITIATIVE redonne vie avec élan à Jack Ryan, héros moderne, inquiet et fragile, déterminé mais assailli par le doute. Un point de vue que Kenneth Branagh ne lâchera pas : il fait du film un thriller d’espionnage humain, où le patriotisme – qu’il s’agisse de celui heurté de Ryan ou de celui plus intransigeant du grand méchant, un businessman russe campé par Branagh lui-même – s’accompagne de conséquences morales et charnelles dramatiques pour ceux chargés d’en faire l’étendard de leurs actions. Si THE RYAN INITIATIVE affiche une intrigue simple et linéaire – un Russe veut faire s’effondrer l’économie américaine –, Branagh y trouve l’occasion de décoder avec brio les enjeux qui sous- tendent un monde bouleversé par la chute des blocs, par l’absurde virtualisation de l’économie et par la nébulosité des idéologies. Tout cela, Branagh le fait sans grande leçon, usant d’un humour délectable et discret, bâtissant avec soin un divertissement réfléchi et terriblement efficace, mais ne cédant pas aux recettes contemporaines du blockbuster. Ainsi prend-il son temps (vingt bonnes minutes) avant d’asséner la première scène d’action – une baston rageuse dans une salle de bains. Mieux, seulement trois séquences de bravoure rythment THE RYAN INITIATIVE : une rareté qui leur donne une véritable utilité dramaturgique dans la montée de tension. D’autant que Branagh bâtit une mise en scène des plus assurées –la première apparition de son personnage, sorte de vilain Bondien à la limite du cartoon, serait à étudier dans les écoles –, où ses compositions larges et son découpage placide sont piratés par des plans quasi subliminaux donnant l’illusion de mouvements syncopés. Un écrin qui n’en fait pas oublier le principal: la façon dont Branagh filme l’évolution de Ryan, de ses émouvants regards apeurés à son exaltante nouvelle assurance de héros éclairé.

De Kenneth Branagh. Avec Chris Pine, Kenneth Branagh, Kevin Costner. États-Unis. 1h46. SORTIE LE 29 JANVIER

 

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