THE GRAND BUDAPEST HOTEL : chronique

26-02-2014 - 14:30 - Par

Une odyssée du style et de l’élégance en forme de roller-coaster, aussi chic et mélancolique que débridé et hilarant. Un « chef-d’œuvre », un vrai !

Wes Anderson fait des films fragrance dont le charme peut s’éventer à tout moment. L’odeur si caractéristique que dégage chacun de ses opus vient compléter l’atmosphère d’un cinéma impalpable, à la fois ostentatoire et tout en retenue, populaire et élitiste. C’est la difficulté à caractériser précisément le plaisir fou pris devant ses films qui fait la singularité de son œuvre. Sûrement inspiré par l’air des montagnes bavaroises, Wes Anderson a décidé avec THE GRAND BUDAPEST HOTEL de mettre les pieds dans le concret et de se lancer dans une farce, une vraie. La petite musique si caractéristique va donc apprendre à se la jouer symphonique. Amusant de voir que pour assumer le grandiose, Anderson a besoin de situer son récit bien loin de notre époque, quelque part dans une Europe de l’Est fictive. Finies également les chambres à coucher et les personnages à la fenêtre. Depuis son escapade adolescente avec MOONRISE KINGDOM, Wes Anderson n’a plus peur des grands espaces. Et de l’espace, il y en a dans cette histoire folle et rocambolesque qui met en scène un majordome de luxe et un garçon d’étage innocent. Commençant comme un Lubitsch rigolard sur les us et coutumes de M.Gustave, chantre de l’élégance et gigolo pour vieilles dames argentées, le film enclenche soudain l’accélérateur pour se transformer en une immense course- poursuite infernale qui ne cesse de grossir et d’entraîner avec elle de plus en plus de personnages, tous plus improbables les uns que les autres. Comme une boule de neige qui ne cesserait de dévaler une pente infinie, le récit d’Anderson agrège les histoires, les situations et les détails sans jamais perdre de sa dynamique. Mû par une formidable force centrifuge, THE GRAND BUDAPEST HOTEL éblouit tout autant par la beauté folle des inventions visuelles d’Anderson que par sa construction équilibriste et virtuose. On prend un plaisir fou à voir les personnages se téléscoper entre eux et apparaître aussi vite qu’ils peuvent disparaître. C’est tout le génie burlesque d’Anderson d’ordonner à ce point le désordre d’un récit incontrôlable qui se savoure comme une pâtisserie chancelante. Avec ce passage au grand spectacle, Wes Anderson révèle surtout sa filiation jusqu’alors souterraine avec le grand cinéaste du burlesque émotionnel, Blake Edwards. Mêlant comme lui le grandiose et l’intime, l’infiniment grand avec l’infiniment petit, le débordement avec la précision, Anderson offre à son cinéma avec THE GRAND BUDAPEST HOTEL, non pas tant une récréation qu’un véritable « chef-d’œuvre », une œuvre-somme qui explorerait toutes les facettes d’un même univers. Alors, la conclusion, très amère et bouleversante, où Wes Anderson raconte la disparition tout entière d’un univers et d’une époque, sonne comme la crainte d’un cinéaste de voir ce qu’il a construit réduit en poussière et balayé par le temps. La beauté de son film et de son cinéma tient peut-être là, dans cette joie et cette volonté toujours renouvelées de raconter et d’embellir un monde que l’on sait déjà condamné.

De Wes Anderson. Avec Ralph Fiennes, Tony Revolori, Adrien Brody. États-Unis. 1h40. SORTIE LE 26 FÉVRIER

 

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