JOE : chronique

01-05-2014 - 10:58 - Par

Nicolas Cage et Tye Sheridan en état de grâce dans cet Americana inégal signé du réalisateur éclectique David Gordon Green.

Chef de file d’une génération de cinéastes venant du Sud des États-Unis ou en ayant fait le décor de leurs films (Jeff Nichols, Craig Zobel, Benh Zeitlin…), David Gordon Green –dont le mentor n’était autre que Terrence Malick (ce dernier avait produit L’AUTRE RIVE)– continue son exploration de cette région fantasmatique qui l’a vu naître et que le cinéma dépeint souvent comme violente. Une image que Gordon Green ne véhicule pas nécessairement dans tous ses films « sudistes » (cf le superbe PRINCE AVALANCHE), mais qu’il embrasse avec véhémence dans JOE, dont le pitch (un homme blessé par la vie et un adolescent triste se lient d’amitié) rappelle celui de MUD – avec lequel il partage notamment son jeune acteur, Tye Sheridan. Ici, Gordon Green revient aux sources de sa filmo, et notamment à GEORGE WASHINGTON (son premier long-métrage) ou L’AUTRE RIVE. Pourtant, si le cinéaste demeure un observateur privilégié de cette Amérique, le premier acte de JOE s’affiche comme poussif: les trois premiers quarts d’heure tirent en longueur, les scènes dialoguées sont bruyantes, l’absurdité de certaines séquences ne fonctionne pas toujours. Certes, cette exposition teigneuse tend à bâtir une atmosphère rehaussant le caractère mythologique de Joe, mais jamais Gordon Green ne parvient à donner à son héros l’aura que Jeff Nichols avait offerte à son Mud. Il entoure en effet Joe d’un mystère se délitant dans la révélation progressive de détails biographiques inutiles, là où la seule présence électrique de Nicolas Cage – dans une de ses plus élégantes prestations – suffisait à faire de ce personnage âpre mais humain une quasi-icône. Si le charisme de son protagoniste se dilue parfois dans un naturalisme forcé, JOE n’en demeure pas moins une expérience de cinéma souvent fascinante. La dureté des relations humaines, notamment celle unissant le jeune Gary et son père, la précision de la mise en scène ou la façon dont la violence intrinsèque de cet univers se voit dissoute dans l’amitié qui se noue entre l’adolescent et son nouveau mentor, offrent quelques fulgurances de cinéma. En point d’orgue, une balade effectuée par Joe et Gary se terminant dans un cimetière de bateaux, où poésie et humour se confondent. Là, Tye Sheridan confirme qu’après TREE OF LIFE et MUD, il est bien l’une des plus belles choses qui soient arrivées au cinéma américain ces trois dernières années. La profondeur des sentiments qu’il véhicule sans avoir l’air d’y toucher, la force des émotions qu’il suscite, suffisent à hisser JOE vers des cimes de lyrisme.

De David Gordon Green. Avec Nicolas Cage, Tye Sheridan, Ronnie Gene Blevins. États-Unis. 1h57. SORTIE LE 30 AVRIL

 

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