Cannes 2014 : SNOW IN PARADISE / Critique

21-05-2014 - 17:10 - Par

D’Andrew Hulme. Sélection officielle, Un Certain Regard


Synopsis officiel : Dave est un petit délinquant qui mène sa vie entre drogue et violence, dans l’East End de Londres. Quand son « business » entraîne la mort de Tariq, son meilleur ami, Dave est terrassé, pour la première fois de sa vie, par la honte et le remords. Alors qu’il commence à faire la paix avec lui-même, son passé de criminel revient le mettre à l’épreuve.

Premier film d’Andrew Hulme, notamment monteur pour Anton Corbijn (THE AMERICAN, CONTROL), SNOW IN PARADISE est une vraie bonne surprise, car ce qu’on attendait comme une énième chronique criminelle « à la » WOLF/PUSHER/LA HAINE (voire TRAINSPOTTING) transcende littéralement le sous-genre pour se loger plus près du cinéma de Jacques Audiard, loin du film urbano-générationnel. Pourtant, à l’instar d’UN PROPHÈTE, dont il serait le petit cousin admiratif, SNOW IN PARADISE ne renie pas sa dimension sociale. Nous sommes dans un Londres, gangréné par la drogue, divisée en deux classes, celle qui boboïse la ville et celle qui subit, sans pouvoir la suivre, cette boboïsation qui l’enfonce un peu plus vers la misère. Ou plus schématiquement, celle qui consomme de la cocaïne et celle qui la deale. Premier plan, tout est clair : Andrew Hulme nous place du côté de la classe prolétaire et ne compte pas défendre les foutus hipsters. Mais surtout, c’est une ville dont le cosmopolitisme n’a jamais soigné le racisme. SNOW IN PARADISE est un grand échiquier où se déplacent les pions de l’argent, qui se phagocytent et se dévorent jusqu’à ce que la spiritualité rentre en jeu et mette un terme à ce jeu de pouvoir. Notre gangster en goguette, Dave, interprété avec force et grâce par le nouveau venu Frederick Schmidt – qui fait autant figure de révélation que Tahar Rahim en son temps – va de case en case et apprend par la manière forte « les valeurs et les règles » du crime organisé, celles qui sont censées jalonner une vie et donner des repères, comme ceux des écrits saints. D’abord bedonnant et débonnaire, il va être contraint, rapidement et sans autre forme de procès, à trouver qui il est. Son reflet dans une flaque d’eau, dans un miroir, dans une vitrine… Dave, c’est d’abord une silhouette marquante, de grand geezer qui traîne ses guêtres au gré d’un quotidien dissolu. Il n’est pas vraiment lui-même jusqu’à ce qu’il devienne le guerrier de sa cause. Film de gangster, parcours initiatique, empruntant parfois les pistes du revenge movie… SNOW IN PARADISE picore un peu dans tous les genres et parvient, malgré des codes de cinéma très clairs et non moins familiers, à être un film singulier. Sa particularité ? Être la version fictionnelle de ce qui est vraiment arrivé à l’un des acteurs du film. Comme quoi la réalité est souvent plus fascinante que tous les fantasmes de violence créés par le cinéma de genre. Andrew Hulme, de par son passif de monteur, a un sens du rythme et de la narration par l’image qui range immédiatement SNOW IN PARADISE dans la case des films de transe, déroulant sur un rythme fou et toujours droit devant, une course à bout de souffle vers la paix. Dans ses émotions et dans son parcours spirituel, SNOW IN PARADISE est d’une dignité remarquable. Pour un premier film, c’est un coup de maître.

De Andrew Hulme. Avec Frederick Schmidt, Martin Askew, David Spinx. Grande Bretagne. 1h48. Prochainement

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