Cannes 2014 : ALLELUIA / Critique

22-05-2014 - 14:30 - Par

De Fabrice Du Welz. Quinzaine des réalisateurs.

Synopsis officiel : Manipulée par un mari amoureux et jaloux, Gloria s’est sauvée avec sa fille et a refait sa vie loin des hommes et du monde. Poussée par son amie Madeleine, Gloria accepte de rencontrer Michel via un site de rencontre. La première fois qu’ils se voient, il se passe quelque chose. Michel, le petit escroc bas de gamme, est troublé et Gloria tombe éperdument amoureuse. Par peur, Michel se sauve mais Gloria va le retrouver et lui faire promettre de ne plus jamais la quitter. Prête à tout pour sauvegarder cet amour, elle abandonne sa fille et se fera passer pour la sœur de Michel afin que celui-ci puisse continuer ses petites arnaques. Mais la jalousie gangrène peu à peu Gloria …

Depuis son dernier film VINYAN, qui avait salement divisé la critique, Fabrice Du Welz avait disparu. Avec CALVAIRE, le cinéaste belge avait fait une entrée fracassante, un peu trop même. Difficile de se remettre d’un tel culte immédiat. Mais le succès d’estime de CALVAIRE vient d’un quiproquo. On a eu tort d’assimiler Du Welz à la belgitude déglinguée et comique de « Groland » ou même à la provoc’ cartoonesque d’un Dupontel. VINYAN, son trip esotérico-cauchemardesque en pleine jungle, a tenté de remettre les compteurs à zéro. Le réalisateur est beaucoup plus marqué par les expérimentations formelles du cinéma de genre que par son outrance et son aspect festif. Du Welz est un cérébral qui s’intéresse au charnel. ALLELUIA confirme la donne. Tourné rapidement, comme un remède au conflit nébuleux qui entoure le montage de son polar COLT 45 (encore invisible à ce jour), ce nouveau film cherche à la fois à capitaliser sur les souvenirs de son premier succès tout en perpétuant une recherche formelle singulière. Mais Du Welz ne se facilite pas franchement la tache. Inspiré très précisément de l’affaire des « Tueurs de la Lune de Miel », le récit est vite écrasé sous le poids des multiples adaptations antérieures. Sur cette histoire de romance meurtrière et de passion destructrice, le réalisateur n’a pas grand-chose à dire, en tout cas beaucoup moins que Mathieu Amalric et sa CHAMBRE BLEUE. Le film se contente de dérouler le modus operandi répétitif de ces deux paumés, de victimes en victimes. Cette raideur du récit est à la fois une faiblesse et une force. L’aspect très monotone de l’enchaînement des situations accentue à la fois la banalité et le trouble. Mais elle finit aussi par lasser et à rendre l’ensemble un peu vain. Dommage car Du Welz sait créer le malaise. Son image, très granuleuse, parfois à la limite de l’abstraction, réussit à ne pas se contenter du « glauque » et tire parfois la mise en scène vers un formalisme élégant. Mais ce balancement permanent entre le fait-divers brut et l’onirisme torve déséquilibre un film déjà bien fragilisé par son récit ascétique. Ce n’est que lorsque Du Welz orchestre ses séquences comme de purs tableaux, presque déconnectés du reste, comme ces scènes de sexe extrêmement découpées et stylisées, que le film atteint une grâce morbide curieusement séduisante. Le reste du temps, le film sabote son propre mystère par trop d’hystérie et de névroses. Difficile donc pour Fabrice Du Welz de véritablement résoudre par ce film les contraires de sa filmographie. Mais, si ALLELUIA n’est peut-être pas un accomplissement total, il n’en reste pas moins une proposition de genre nettement plus sincère et intéressante que la moyenne.

De Fabrice Du Welz. Avec Laurent Lucas, Lola Duenas, Helena Noguerra. Belgique. 1h30. Prochainement

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