COLDWATER : chronique

09-07-2014 - 11:56 - Par

Pour contrer l’indiscipline et la délinquance, l’Amérique invente des centres de redressement pour mineurs. L’enfer.

Brad (P.J. Boudousqué) est un jeune difficile, qui trempe dans le trafic de stupéfiants, fait affaire avec d’infréquentables voyous, et se comporte mal à la maison. Sa mère décide alors de l’envoyer à Coldwater, un centre de redressement tenu par un ancien militaire. C’est un lieu censé remettre les mineurs dans le droit chemin mais, entre harcèlement psychologique et violences physiques, les pensionnaires sont littéralement cassés par des surveillants abusifs. Brad, d’abord rebelle, va apprendre les ficelles de cette prison dont on ne ressort jamais indemne. Des centres comme Coldwater existent réellement : on en trouve à longueur de faits divers. Soit parce qu’ils peuvent éventuellement exacerber la haine que ressent un adolescent envers la société et le transformer en bombe à retardement, soit parce que des « accidents », plus ou moins graves, entachent leur réputation. C’est l’ambition de dénonciation qui fait de COLDWATER un film sous-tendu par un profond sentiment d’injustice, bouillonnant d’une colère sourde. Une impression de confusion qui, à l’écran, se traduit par un montage chaotique, à base de flash-back erratiques, de fragments de la « vie d’avant », de bouts d’existence à but informatif. Vincent Grashaw, dont c’est le premier long-métrage, n’est pas farouche face à ce qu’il a clairement conçu comme un puzzle narratif : peu importe qu’il faille du temps au spectateur pour comprendre où il est et quelle histoire on est en train de lui raconter ; peu importe encore que COLDWATER ne soit pas stricto sensu un « film de prison », ni « un manifeste social », encore moins un « récit initiatique ». Il est un peu tout ça à la fois, doublé d’un revenge movie saupoudré, le temps de deux ou trois scènes, d’un soupçon de film d’horreur. Pourtant, dans un premier temps, on pensait avoir identifié COLDWATER comme un film indé qui irait déterrer le sacro-saint thème de la fin de l’innocence (spirituelle et sexuelle)… mais non, le film va rarement dans la direction où on l’attendait, au risque de désarçonner parfois. Ancrée dans une réalité très américaine, racontant un fait de société méconnu et trouble, l’histoire de Grashaw utilise d’abord certains codes du socioréalisme cinématographique pour finalement s’en départir et se faire plus lyrique, voire baroque, puisque le désespoir emmène sa galerie de personnages vers la folie et que le récit vire au thriller. Se tient droit, en pilier du récit, ce formidable P.J. Boudousqué, acteur bien trop vieux pour camper un mineur, mais dont le visage juvénile et gracieux charrie une innocence contrite, mâtinée d’une grande fureur intérieure. Un argument de vente à lui seul.

De Vincent Grashaw. Avec P.J. Boudousqué, James C. Burns, Chris Petrovski. États-Unis. 1h44. SORTIE LE 9 JUILLET

 

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