MISTER BABADOOK : chronique

30-07-2014 - 11:00 - Par

Un premier film intense sur le caractère hautement contagieux de la peur. Attention au Baba-ba… dook… dook… dook !

Le cinéma d’épouvante est en crise. Non pas qu’il manque d’inventivité (quoique…) mais il faut bien reconnaître que depuis plus de vingt ans une composante essentielle lui fait défaut : un boogeyman digne de ce nom ! À l’heure où le genre a tendance à s’auto-vampiriser via des reboots (LES GRIFFES DE LA NUIT, VENDREDI 13, HALLOWEEN) annihilant le caractère intemporel de ces monstres qui hantaient autrefois nos nuits, la réalisatrice Jennifer Kent ose l’innovation en revenant aux sources mêmes de cette figure éminemment littéraire et cinématographique. Étymologiquement, croque-mitaine (« personnage de conte censé effrayer les enfants pour les rendre plus sages ») répond précisément à la problématique de MISTER BABADOOK : une mère de famille, inconsolable depuis la mort brutale de son mari, peine à calmer les crises de son hyperactif de fils, surtout lorsque ce dernier est persuadé qu’un mystérieux monstre, Mister Babadook, en a après lui. Et si vous pensez, à la lecture de ce pitch, avoir déjà saisi les tenants et les aboutissants de l’intrigue, détrompez-vous: l’une des grandes qualités de ce premier long-métrage est de jouer constamment sur l’ambiguïté pour mieux faire vaciller nos certitudes de cinéphages blasés. Viscéral, MISTER BABADOOK utilise le genre comme catalyseur et sonde les turpitudes d’une femme (impressionnante Essie Davis) tiraillée entre le deuil et l’amour. À la fois film de frousse – au sens noble du terme – et réflexion psychanalytique sur la maternité refoulée, MISTER BABADOOK joue habilement sur les deux tableaux sans jamais prendre le spectateur à défaut. Car s’il y a bien une chose que ce conte allégorique sait cultiver, c’est l’effroi. Jump scares, jeux d’ombres, sound design oppressant… La réalisatrice distille les effets avec un sens du timing quasi parfait, malgré un dernier quart versant inutilement dans la surenchère. Des dispositifs habilement utilisés mais qui se seraient vites révélés superflus sans la présence dudit Babadook. Avec ses longues griffes, son immense chapeau haut-de-forme et son teint blafard, cet impressionnant monstre qu’on croirait être le fruit de l’expressionnisme allemand est l’incarnation même du croque-mitaine dans sa forme la plus brute. Et si son look dépouillé et sombre interpelle, c’est justement parce qu’il renvoie à une représentation somme toute très enfantine de l’ogre. Une sorte de Freddy Krueger qui aurait décidé d’hanter l’inconscient parental et dont la place est déjà toute trouvée auprès de ses confrères amateurs de chair fraîche et juvénile. Ça sent les nuits blanches à répétition !

De Jennifer Kent. Avec Essie Davis, Daniel Henshall, Noah Wiseman. Australie. 1h32. Sortie le 30 juillet

 

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