Toronto 2014 : THE LOOK OF SILENCE / Critique

05-09-2014 - 23:05 - Par

La ‘suite’ de THE ACT OF KILLING, qui donne cette fois la parole aux victimes du génocide anti-communiste survenu en Indonésie en 1965.

En 2013, on découvrait hagards le documentaire THE ACT OF KILLING de Joshua Oppenheimer. Fruit d’années de travail et de recherches, il revenait sur un fait passé sous silence dans les livres d’Histoire : en 1965, en Indonésie, un million de personnes prétendues communistes avaient été assassinées par des milices agissant sous les ordres de la nouvelle dictature militaire. Oppenheimer donnait alors la parole à une foule de tortionnaires et d’assassins, afin de sonder leurs potentiels regrets et les confrontait à leurs actes en filmant avec eux des reconstitutions de leurs crimes… Alors que THE ACT OF KILLING a remis en lumière ce douloureux passé, Oppenheimer compte bien continuer à exorciser la tragédie. THE LOOK OF SILENCE se poste cette fois du côté des victimes : Adi, opticien de 44 ans, n’a jamais connu son grand frère, mort assassiné. Après avoir vu THE ACT OF KILLING, il décide de visionner les confessions sordides des meurtriers, puis de rencontrer ces derniers… Marchant sur une pente glissante, THE LOOK OF SILENCE aurait pu être mû par la vengeance et la rancœur, mais le film s’avère au contraire d’une grande noblesse grâce à Adi, homme de famille calme et aimant. Le soir, il apprend à son fils la réalité historique et détricote tous les mensonges que ses professeurs lui enseignent sur le génocide. La journée, il se confronte à ceux qui ont brisé sa famille dans des entretiens d’une intensité ahurissante, captés sans effusion par la caméra d’Oppenheimer, et où cet homme frêle et ordinaire, tient tête au pouvoir sardonique d’anciens assassins. Lors d’une séquence, les larmes aux yeux, Adi, tout en dignité, lance à l’un d’eux qu’il fuit toute responsabilité morale. Il a beau recevoir en réponse un flot de menaces sournoises de son interlocuteur, cet instant a tout lieu d’une catharsis. Adi peut enfin, non pas accuser, mais réclamer que l’omerta soit levée. Bien que moins impressionnant et conceptuel dans sa mécanique que THE ACT OF KILLING,  THE LOOK OF SILENCE trouve dans son humanité simple un impact narratif et émotionnel tout aussi indéniable.

De Joshua Oppenheimer. Danemark / Indonésie. 1h45. PROCHAINEMENT

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