Toronto 2014 : WILD / Critique

11-09-2014 - 15:37 - Par

Si son propos n’a rien d’original, WILD touche par la finesse de son écriture, de son esthétique et de l’interprétation de Reese Witherspoon.

Outre son amour pour les figures marginales ou ostracisées, le cinéaste québécois Jean-Marc Vallée semble aujourd’hui mettre un point d’honneur à suivre des personnes ravagées par leurs propres excès mais décidées à reprendre le contrôle de leur existence et de leur dignité. Un an après avoir présenté à Toronto DALLAS BUYERS CLUB, son premier projet ‘américain’ qui a valu à Matthew McConaughey et Jared Leto un Oscar chacun, Vallée récidive en 2014 avec WILD qui, bien que dans la lignée de son précédent, s’avère une réussite encore plus marquante, parce qu’affichant une plus grande personnalité. Ce que WILD raconte n’a pourtant rien de surprenant ou de foncièrement original. Lorsque le récit débute, Cheryl Strayed (Reese Witherspoon) s’engage dans un défi de taille : faire seule la randonnée du Pacific Crest Tail, soit un ‘sentier’ de 4200 kilomètres reliant à l’Ouest des États-Unis la frontière mexicaine à celle canadienne. Pourquoi la jeune femme frêle tente cette aventure formatrice ? Pour des tas de raisons, que WILD va dévoiler peu à peu, via une foule de flashbacks et de voix off faisant office de journal de bord. Alors qu’ils ne sont souvent que des artifices usés jusqu’à la corde par des films faisant appel à eux pour leur praticité, flashbacks et voix off ont ici une vraie utilité narrative. Mieux, ils se justifient totalement puisque WILD se veut avant tout un voyage aussi physique qu’introspectif durant lequel Cheryl interroge son passé, ses erreurs, ses regrets et tente de « marcher jusqu’à retrouver la femme que sa mère voyait en [elle] ». Ainsi, de constants allers-retours dans le temps et de lancinants commentaires viennent rythmer sa randonnée, permettant à WILD d’acquérir une maturité narrative où tous les enjeux s’emboîtent subtilement et forment au final un tout redoutablement cohérent. Un mécanisme d’autant plus plaisant à suivre que, outre la fine écriture de Nick Hornby (l’auteur des romans « Haute Fidélité » ou « À propos d’un gamin » est ici scénariste), on ne peut que saluer le travail de déconstruction / reconstruction effectué par Jean-Marc Vallée et son monteur Martin Pensa, et notamment leur façon d’étirer les flashbacks, de subreptices images quasi subliminales dénuées de son – comme des souvenirs traversant furtivement l’esprit de Cheryl – à des flashbacks plus conventionnels et fonctionnels. Cette fluidité esthétique et de storytelling sort au final WILD du lot des films introspectifs de retour à la nature. Surtout, elle lui évite de tomber dans le piège du ‘film témoignage pour trentenaires lectrices de Cosmo’ – WILD étant pourtant une histoire vraie ayant donné lieu à un best-seller du même nom. Enfin, et ce n’est pas qu’une mince qualité, WILD est l’occasion de retrouver enfin une Reese Witherspoon à la hauteur de son talent, pour une mise à nu littérale et figurée des plus touchantes et téméraires.

De Jean-Marc Vallée. Avec Reese Witherspoon, Laura Dern, Gaby Hoffmann. Etats-Unis. 2h. Sortie le 4 mars 2015

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