LE JUGE : chronique

22-10-2014 - 09:50 - Par

Plombé par ses ambitions de grand film mais élevé par sa sincérité et ses acteurs, LE JUGE est l’exemple même du film schizophrène.

Parce que sa mère décède subitement, Hank Palmer (Robert Downey Jr.), avocat à Chicago, retourne dans sa petite ville natale d’Indiana. Là, il retrouve ses frères et son père (Robert Duvall), juge local à qui il n’a pas parlé depuis vingt ans. Lorsque ce dernier est accusé de meurtre, Hank décide d’assurer sa défense… LE JUGE a tout de la cible facile : cherchant à renouer avec un cinéma que les studios se montrent de plus en plus réticents à produire –adulte, dénué de tout spectacle et de toute velléité de franchise ou de merchandising –, il semble vouloir s’imposer comme un pur drame classique. Sa tragédie quotidienne au fort potentiel d’identification sur fond de famille dysfonctionnelle, LE JUGE la déroule donc de manière fondamentalement académique, avec son lot de passages obligés (l’avocat impitoyable en instance de divorce), d’exaltation d’un certain esprit américain (le score de Thomas Newman est à ce titre générique et inadéquat), de bons sentiments, de dialogues ou situations rebattues (les retrouvailles du cynique avec son amour d’enfance), d’idées de mise en scène prévisibles (le père et le fils, marchant dans des directions opposées sur une route), voire de moments franchement gênants (tous imputables au « méchant » procureur campé par Billy Bob Thornton). À première vue, rien ne semble pouvoir bousculer ce film que l’on peut légitimement qualifier d’ »à Oscars ». Hormis qu’il déroge trop souvent à la formule en question : s’il cherchait davantage à rester dans les clous, sans doute serait-il plus carré, plus identifiable… mais aussi plus lisse. Or, alors que Robert Downey Jr. trouve ici un rôle taillé sur mesure pour sa causticité, le film parvient à infuser naturellement l’humour à des moments tragiques, à filmer la maladie d’une manière frontale et choquante comme rarement les films américains grand public n’osent le faire, capte en quelques plans la beauté simple d’un instant de complicité entre deux frères émus devant un film de famille. Bien que mû par des personnages construits comme autant de stéréotypes, le récit caractérise parfaitement chacun d’eux, saisit parfois avec énergie et subtilité le vaste spectre d’émotions qu’ils traversent. Mais incapable de restreindre ses élans, LE JUGE finit toujours, irrémédiablement, par aller trop loin dans le lyrisme pompier et les violons. On se prend ainsi souvent à rêver au long-métrage qu’il aurait pu être, si tant est qu’il fût resserré au montage, porté par un peu plus d’audace et débarrassé de ses ambitions de « grand film », trop visibles et trop claironnées.

De David Dobkin. Avec Robert Downey Jr., Robert Duvall, Vera Farmiga. États-Unis. 2h21. Sortie le 22 octobre

 

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