CALVARY : chronique

26-11-2014 - 13:39 - Par

Pour son deuxième film, John Michael McDonagh aborde avec tact un sujet délicat et offre à Brendan Gleeson l’un de ses meilleurs rôles.

« J’avais 7ans la première fois que j’ai goûté au sperme », dit une voix d’homme dans un confessionnal. « Voilà une phrase d’attaque surprenante », lui répond le père James (Brendan Gleeson). Les toutes premières secondes de CALVARY créent l’inconfort: John Michael McDonagh (L’IRLANDAIS) cherche-t-il vraiment à susciter le rire en parlant de pédophilie? Les doutes sont vite levés quand, quelques instants plus tard, le paroissien annonce à James qu’il l’assassinera dans huit jours. À qui le prêtre a-t-il affaire? La réponse sera donnée cent minutes plus tard, après que CALVARY aura examiné avec minutie le microcosme dans lequel évolue James. À savoir une bourgade irlandaise où la religion semble rejetée par la population mais où les autorités continuent d’entourer les actes pédophiles de certains hommes d’Église d’une détestable omerta. Dans ce contexte délétère, McDonagh refuse toute ambiguïté : si CALVARY ne se gêne jamais pour pointer du doigt les torts du clergé, il ne fait jamais du film un procès à charge. Car c’est bien la nature humaine que le réalisateur tente d’explorer plus généralement. Le tout dans uneatmosphère d’incontrôlable déliquescence morale. Là trône le père James, dont l’intégrité n’a rien à voir avec son statut de prêtre mais avec sa personnalité, son passé, ses choix et principes de vie. Porté par la grande noblesse d’interprétation de Brendan Gleeson –sorte de roc indestructible pourtant mû par une affliction bouleversante–, James apparaît comme le seul être bon ou équilibré de la petite ville. Autour de lui, un suicidaire qui souhaite rejoindre l’Armée, un autre homme d’Église un peu con, un flic gay et son toy boy névrosé, un ex-as de la finance obsédé par ses possessions, un meurtrier cannibale, un médecin défoncé à la coke ou une femme adultère nymphomane dansent et se complaisent dans leur malheur, attendant passivement d’être sauvés – ou absous. « On parle trop des péchés et pas assez des vertus », lance le père James à sa fille, jeune femme sortant d’une tentative de suicide. Dans son ode au libre arbitre de chacun – et à la responsabilité qui l’accompagne–, CALVARY trouve un humanisme non feint, ne sombre jamais dans la moralisation et use d’une ironie si mordante que l’on n’ose en rire. D’autant que le film, conforme à son héros, tient fermement à ses valeurs et aboutit à une conclusion aussi forte et digne que tout ce qui l’a précédée. Atmosphère de fin du monde morale, peut- être, mais dont émerge toujours la beauté de l’Homme: car si le Mal existe, le Bien, plus difficile à étreindre, n’a pas dit son dernier mot.

De John Michael McDonagh. Avec Brendan Gleeson, Kelly Reilly, Chris O’Dowd. Irlande / Royaume Uni. 1h45. Sortie le 26 novembre

 

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