Sony annule la sortie US de THE INTERVIEW

18-12-2014 - 10:58 - Par

Et la major n’aurait pour le moment aucun plan concernant une sortie VOD ou DVD. Un précédent qui inquiète…

Après des jours et des jours de fuites d’informations personnelles et confidentielles sur le Net à la suite du piratage de leurs serveurs, les employés et patrons de Sony ont connu un autre coup dur mardi : les hackers menaçaient d’attaques terroristes les salles de cinéma américaines qui projetteraient THE INTERVIEW (film dans lequel un journaliste et un producteur télé sont missionnés par la CIA d’assassiner le leader nord-coréen Kim Jong-un). Des menaces jugées peu sérieuses par la pourtant très prudente agence du Homeland Security. Ce qui n’a pas empêché les cinq plus grandes chaînes de salles US (Carmike, Cineplex, Cinemark, Regal et AMC) mais aussi des moins importantes comme Bow Tie ou Arclight, d’annoncer leur décision de ne pas diffuser THE INTERVIEW dans leurs enseignes lors de sa sortie, alors prévue pour le 25 décembre.

En conséquence, Sony a décidé hier soir de purement et simplement annuler la sortie américaine du film de Seth Rogen et Evan Goldberg. Depuis 24h, beaucoup militaient pour que le studio propose une sortie conjointe salles / VOD. Mais après sa décision concernant la sortie salles, diverses sources internes ont fait savoir aux médias américains que Sony n’avait pour le moment aucun plan concernant une éventuelle sortie DVD ou VOD du film. Un moyen pour le studio de toucher l’assurance – si le film sortait aujourd’hui directement en VOD, Sony ne toucherait pas un dollar en dédommagement. En ce qui concerne la sortie française, nous n’avons malheureusement aucune information non plus. Mais il apparaît évident qu’elle n’est pas d’actualité pour l’instant – cette semaine Sony France avait déjà repoussé la sortie du 18 février au 22 avril 2015. Peut-être que d’ici là, les choses auront changé.

Car on ne peut imaginer que Sony va purement effacer THE INTERVIEW de son line-up et ne jamais le proposer au public. Le film a coûté 44 millions de dollars à produire et son annulation coûterait à elle seule 90 millions, selon diverses estimations. Sony devrait donc attendre que tout ceci se tasse et que les hackers se soient calmés ou qu’ils aient été appréhendés. En tout cas, CNN a révélé dans la nuit que les autorités américaines reconnaissaient que la Corée du Nord était bien à l’origine de la cyber-attaque à l’encontre du studio. L’enquête continue.

Du coup, l’annulation de la sortie de THE INTERVIEW pose plus qu’un simple problème cinématographique, économique et artistique. Mais aussi idéologique, quant à la liberté d’expression. Que les exploitants américains aient tous capitulé devant les menaces, forçant Sony à cette décision, crée ainsi un précédent plus que dangereux. Déjà, hier, avant même que THE INTERVIEW soit mis au placard, New Regency annonçait qu’elle annulait le développement du projet que devait réaliser Gore Verbinski avec Steve Carell dans le rôle principal : un thriller se déroulant en Corée du Nord et dont les prises de vues devaient avoir lieu en mars…

Ainsi, les hackers ont gagné en ‘inceptionnant’ une peur panique et l’industrie hollywoodienne, en s’avouant vaincue, envoie un message très clair de soumission aux extrémistes de tout poil. Dès lors, quel sera le prochain studio piraté ? Quel projet sera bientôt menacé parce qu’il défend une réalité ou un point de vue allant à l’encontre de celui d’un certain groupe ? Le droit à la satire est-il désormais en danger ? Comme le prouve la décision de New Regency, les studios vont désormais réfléchir à deux fois avant de produire des films pouvant éventuellement déranger ou courroucer qui que ce soit. Une sérieuse entrave à toute audace et à toute liberté d’expression. Le cinéma a souvent été menacé par les extrémistes mais jamais aucun studio n’avait ainsi rendu les armes. Un exemple parmi tant d’autres : dans les années 80, Universal avait ainsi soutenu LA DERNIÈRE TENTATION DU CHRIST de Martin Scorsese en dépit de menaces d’attentats – un incendie criminel avait au final eu lieu au cinéma St Michel à Paris.

Pour toutes ces raisons malheureuses, THE INTERVIEW entre contre son gré dans l’histoire du cinéma. Tout comme Seth Rogen et Evan Goldberg qui, en réalisant une comédie potache, ont fait réagir la plus mystérieuse et recluse des dictatures au monde. Preuve, s’il en fallait encore une, que l’Art demeure une arme résolument crainte par les tyrans. Il serait dommage que les artistes hollywoodiens n’aient plus le droit de s’en servir par souci de précaution… ou par couardise des majors.

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