CHAPPIE : chronique

04-03-2015 - 10:02 - Par

Qu’est-ce qui nous rend humain ? Blomkamp creuse son sillon dans un film de SF gracile et maladroit mais dont le héros brise le cœur.

En 2004, Neill Blomkamp réalisait son premier court- métrage, TETRA VAAL, fausse pub vantant les mérites de droïdes policiers officiant dans les bidonvilles du Tiers Monde. Et tout comme DISTRICT 9 était inspiré de son court ALIVE IN JOBURG, son nouveau projet de cinéma, CHAPPIE, a pour base l’œuvre de jeunesse qu’est TETRA VAAL. Cette façon de nourrir son univers présent avec ses idées passées, qu’il laisse mûrir et évoluer, a sans doute grandement à voir avec le thème central de son cinéma : la mutation du corps et de l’esprit. Elle rappelle aussi que le cinéaste dispose d’un riche univers narratif et visuel, reconnaissable entre mille. Dans un futur proche, l’Afrique du Sud utilise une police robotique pour « mettre fin à la criminalité et à la corruption ». Deon (Dev Patel), créateur de ces humanoïdes de titane, travaille à la première véritable intelligence artificielle, consciente, capable de penser, d’apprendre et de ressentir. Il engendre alors Chappie, mais celui-ci, par un concours de circonstances, tombe entre les mains de malfrats, Ninja et Yo-Landi… Tout comme DISTRICT 9 et ELYSIUM, CHAPPIE fascine dès ses premières minutes par la tangibilité de l’univers bâti par Blomkamp. Mû par des images à la force intrinsèque imparable, le monde de Chappie s’impose aisément au spectateur. Reste juste à accepter son jusqu’au-boutisme : avec un méchant monolithique campé par un Hugh Jackman en nuque allemande et des gangsters « parents » de Chappie incarnés par le duo de rap sud-africain Die Antwoord, CHAPPIE frise parfois le grand guignol. Voire le Z. Mais au-delà de cette outrance loufoque, CHAPPIE révèle une profondeur émotionnelle et thématique indéniable. L’acquis contre l’inné, l’indépendance d’esprit face au déterminisme social, l’innocence exploitée et foulée au pied, la responsabilité du Dieu envers sa création : CHAPPIE se fait tour à tour métaphysique, offensif, drôle, tendre, résolument pessimiste quant à la nature humaine, passe sans transition de la scène la plus pure à une autre dérangeante. Entre une séquence de « naissance » robotique désarmante d’humanité, quelques autres horribles dans lesquelles Chappie subit une violence incompréhensible par son esprit d’enfant et une promesse sidérante de salut dans la mutation, Neill Blomkamp explore son sujet pleinement et sans détour. Quitte à tomber parfois dans une urgence un peu usante et un certain didactisme inhérent aux atours de conte de fées que prend son récit. Mais les émotions suscitées par Chappie s’avèrent suffisamment brutes, mystérieuses et rémanentes pour balayer ces défauts sans effort.

De Neill Blomkamp. Avec Sharlto Copley, Dev Patel, Hugh Jackman. États-Unis. 1h54. Sortie le 4 mars

 

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