SEA FOG – LES CLANDESTINS : chronique

01-04-2015 - 09:50 - Par

Un premier film intense, lyrique et rageur, par le scénariste de MEMORIES OF MURDER et produit par Bong Joon-ho.

Extrêmes et enragés : tels sont souvent les films sud- coréens, qui n’aiment rien tant que d’étudier la violence et la déliquescence morale. Avec SEA FOG, Shim Sung-bo perpétue cette tradition d’un cinéma populaire et accessible qui refuse de s’embourgeoiser. En 1998, alors que l’Asie subit le contrecoup de l’endémique crise financière locale, un groupe de pêcheurs sud-coréens mené par le Capitaine Kang (Kim Yun-seok, vu dans THE CHASER ou THE MURDERER) peine à joindre les deux bouts. Le gouvernement propose bien aux marins de racheter leurs navires, surtout les plus anciens, mais pour Kang, agir de la sorte « serait comme renier [sa] famille ». Alors cet homme fier, bafoué, va accepter un deal risqué : transporter sur son bateau des immigrés clandestins venus de Chine. Pour sa première réalisation, Shim décide de tourner sur l’eau – une plaie – mais peu importe, car son talent semble bien plus imposant que de simples soucis logistiques. Le prégénérique de SEA FOG, à lui seul, laisse entrevoir le talent du néocinéaste pour construire un univers et immerger le spectateur : un bateau bourlingué par les flots, des pêcheurs réunis dans des conditions précaires mais appréciant la compagnie les uns des autres, réchauffant leurs mains sur des ampoules dénudées ou se sauvant mutuellement la peau. Cette fraternité, Shim va passer deux heures à la mettre à mal et à la confronter à l’horreur. Car comme son aîné SNOWPIERCER, SEA FOG (coécrit et produit par Bong Joon-ho) se pose en géante métaphore de l’état moral du monde en temps de crise. D’un système capitaliste rongé par la course au profit et l’exploitation d’autrui. D’une noirceur implacable – notamment dans son regard sur l’instinct de survie –, SEA FOG sombre peu à peu dans l’hystérie du désespoir, la folie, le chaos, les cris et la violence, alors qu’autour du navire de Kang, un brouillard d’une rare densité enserre le théâtre de cette tragédie, comme pour illustrer la perte de tout repère moral des personnages. La mise en scène de Shim, énergique, ne cherche pas la virtuosité démonstrative : ce que le réalisateur filme et les performances des acteurs suffisent à créer un lyrisme cauchemardesque – quitte à ce qu’il dérape parfois vers un trop-plein d’élans opératiques ou vers une symbolique trop appuyée. Saisi au col, horrifié par la force d’un propos asséné sans compromis, exalté par les touches d’espoir qu’une romance impossible entre un marin et une immigrante fait naître, on ne peut qu’admirer ce coup d’essai qu’est SEA FOG. Et dire qu’il est inspiré d’une histoire vraie…

De Shim Sung-bo. Avec Kim Yun-seok, Park Yu-chun, Han Ye-ri. Corée du Sud. 1h51. Sortie le 1er avril

 

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