Cannes 2015 : JE SUIS UN SOLDAT / Critique

20-05-2015 - 22:47 - Par

De Laurent Larivière. Sélection officielle, Un Certain Regard.

Pitch : Sandrine, trente ans, est obligée de retourner vivre chez sa mère à Roubaix. Sans emploi, elle accepte de travailler pour son oncle dans un chenil qui s’avère être la plaque tournante d’un trafic de chiens venus des pays de l’est. Elle acquiert rapidement autorité et respect dans ce milieu d’hommes et gagne l’argent qui manque à sa liberté. Mais parfois les bons soldats cessent d’obéir.

Pour son premier long-métrage, Laurent Larivière choisit le réel. « La honte sociale » très actuelle qui mine les classes populaires, la précarité du travail. Un pur film de crise où les vilains sont comme les profiteurs de guerre. JE SUIS UN SOLDAT (dans les conjonctures actuelles, nous le sommes tous) met en scène une trentenaire (Louise Bourgoin) revenant vivre chez sa mère et aidant son oncle (Jean-Hugues Anglade) à gérer un chenil. Rapidement, Sandrine va comprendre que le plus lucratif dans le métier d’Henri, c’est le trafic de chiens. Il achète des chiots provenant des pays de l’est (à l’unité ou au kilo), fait faire des faux passeports avec des faux certificats de vaccinations, bidonne parfois leur âge et revend le tout aux détaillants, peu regardants. Parfois, des chiots meurent d’une hygiène défectueuse. Larivière nous immerge dans ce réseau illégal – un sujet rarement abordé dans le cinéma français, même s’il est surtout traité dans l’allégorie – comme un film socioréaliste anglais filmerait un trafic de drogue en banlieue de Manchester : avec des gueules dangereuses, des dilemmes moraux, et un rapport conflictuel à l’argent, aussi envieux que méfiant. Sandrine est une héroïne dardenienne : une beauté cachée sous des fringues dégueulasses, une douceur humaine mais surtout une force de caractère et une résilience qui en font un esprit indépendant. Thriller prolétaire, JE SUIS UN SOLDAT est, à l’image de son titre « sujet verbe complément », un film fonctionnel et pragmatique. Sans chichis, humble. Concret jusqu’à parfois devenir viscéral, quand il parle de l’autodestruction comme ultime recours pour ne pas être victime de la destruction d’autrui – film de crise, on vous dit. Toutefois, même si trop peu de clés sont données sur les motivations de Sandrine, la narration du film se fait d’autant plus absconse vers la fin, au risque de troquer la clarté pour la liberté d’interprétation. Mais Laurent Larivière a montré un vrai talent pour filmer tout un monde interlope et en faire l’alibi d’un remarquable thriller du quotidien.

De Laurent Larivière. Avec Louise Bourgoin, Jean-Hugues Anglade, Nina Meurisse. France / Belgique. 1h36. Prochainement

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