Cannes 2015 : NI LE CIEL NI LA TERRE / Critique

16-05-2015 - 13:32 - Par

De Clément Cogitore. Semaine de la Critique.

Pitch : Afghanistan 2014. À l’approche du retrait des troupes, le capitaine Antarès Bonassieu et sa section sont affectés à une mission de contrôle et de surveillance dans une vallée reculée du Wakhan, frontalière du Pakistan. Malgré la détermination d’Antarès et de ses hommes, le contrôle de ce secteur supposé calme va progressivement leur échapper. Par une nuit de septembre, des soldats se mettent à disparaître mystérieusement dans la vallée.

On le sait, depuis quelques années, le jeune cinéma français s’amuse à bousculer nos horizons d’attente. Cette nouvelle génération de réalisateurs produit un cinéma français profondément déterritorialisé, amoureux des genres et bien souvent très ambitieux formellement. Avec des films comme LES RENCONTRES D’APRÈS MINUIT, SUZANNE ou FLA, la Semaine de la Critique s’est fait le porte-parole de ce déplacement salutaire des lignes du cinéma hexagonal. NI LE CIEL NI LA TERRE de Clément Cogitore s’inscrit véritablement dans cette catégorie, avec plus ou moins de succès. Centré autour de l’attente mystérieuse d’une troupe de soldats français à la frontière de l’Afghanistan, ce premier long métrage aurait pu être passionnant, il s’avère bizarrement décevant. Clément Cogitore tâtonne, séduit, agace, déçoit ou emporte tour à tour, laissant le spectateur souvent indécis quant à son appréciation finale. Le problème vient d’une incapacité du film a véritablement se libérer de sa dimension théorique. Bâti sur le contraste plutôt intrigant entre le film de soldat, façon ode à la virilité fordienne, et le mystère elliptique et angoissant post Shyamalan, NI LE CIEL NI LA TERRE est trop corseté par sa manière de vouloir sans cesse baliser le chemin du spectateur, même dans ses zones d’ombre. Si pendant une première moitié, on tolère que le film opte pour un rythme répétitif, juxtaposant les scènes quotidiennes au cœur desquelles Cogitore arrive à instiller le mystère, la seconde moitié sape au fur et à mesure notre bienveillance. On a bien compris, et très vite, que le film ne nous offrirait aucune explication, et tant mieux. Alors pourquoi multiplier ainsi les fausses pistes ? Pourquoi créer de faux moments de révélation forcément inopérants ? Comme s’il avait peur de perdre pied avec ses personnages, le réalisateur se raccroche à un réalisme terre-à-terre lourdaud qui étire les séquences et écrase la poésie qui allait naître de ces héros largués entre raison et mysticisme. Rien de pire que le mystère qui s’excuse d’en être un. On aurait aimé que NI LE CIEL NI LA TERRE soit constamment à la hauteur des très belles séquences de visions nocturnes qui résument à elles seules les belles intentions du film : capter l’instant où le réel se trouble et devient une vue de l’esprit. Malheureusement, NI LE CIEL NI LA TERRE, petit à petit, redescend sur Terre et devient dans sa dernière partie une dissertation bien trop appliquée sur des mécanismes grossiers d’une « crise de foi ». Dommage, on serait bien resté entre celle ciel et terre plus longtemps sous l’œil de Cogitore.

De Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kévin Azaïs, Swann Arlaud. France / Belgique. 1h40. Prochainement

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