Cannes 2015 : PAULINA / Critique

15-05-2015 - 13:45 - Par

De Santiago Mitre. Semaine de la Critique.

Pitch : Paulina, 28 ans, décide de renoncer à une brillante carrière d’avocate pour se consacrer à l’enseignement dans une région défavorisée d’Argentine. Confrontée à un environnement hostile, elle s’accroche pourtant à sa mission pédagogique, seule garante à ses yeux d’un réel engagement politique, quitte à y sacrifier son petit ami et la confiance de son père, un juge puissant de la région. Peu de temps après son arrivée, elle est violemment agressée par une bande de jeunes et découvre que certains d’entre eux sont ses élèves. En dépit de l’ampleur du traumatisme et de l’incompréhension de son entourage, Paulina va tâcher de rester fidèle à son idéal social.

Repéré avec l’élégant EL ESTUDIANTE, Santiago Mitre rate son second long-métrage. Étrange, PAULINA a pourtant un savoir-faire indéniable en termes de mise en scène, d’interprétation et d’écriture. Reprenant à son compte un fait divers déjà adapté au cinéma, le jeune réalisateur argentin tombe hélas dans tous les panneaux du « world melodrama » façon Iñárritu. Pourtant, au départ, on pourrait se laisser prendre au jeu. Mitre a toutes les carte en main : une histoire tordue et tragique, une actrice sublime et dévouée, plus un vrai sens du cadre. L’ouverture est en cela un bijou de découpage dramatique. Mitre filme le duel politique qui oppose père et fille avec une habileté redoutable. Un peu à la manière d’un Nuri Bilge Ceylan, il n’a pas peur de la dimension oratoire du cinéma. Les tirades sont longues mais le jeu est à la hauteur. Mais là où il aurait pu se contenter avec grâce d’un mélo rectiligne doloriste et jusqu’au-boutiste, un peu à la façon d’un Michel Franco ou d’un Lars von Trier, Santiago Mitre s’épanche avec lourdeur dans le rubik’s cube narratif et le jeu des perspectives. Le récit s’empâte dans des circonvolutions et un jeu de relativisme totalement superflus. La multiplication des points de vue n’apporte rien ou alors un vague propos politique tantôt abscons tantôt benêt. On avance dans le dédale du récit en perdant petit à petit l’envie de comprendre pourquoi on s’est perdu. Comme si Mitre avait peur de la simplicité et de l’efficacité du mélodrame, il se réfugie dans des afféteries de scénario puis de mise en scène qui virent au ridicule. On avait envie de suivre Paulina, jeune humaniste prête à se sacrifier, mais le puzzle exposé n’en propose au final qu’un portrait réducteur et étrangement simpliste. Victime ou héroïne, exploiteur ou exploitée, intellectuelle déconnectée ou femme engagée, le film a beau brouiller les cartes, il finit par retomber sur des schémas rebattus. C’est un peu l’effet accablant que produit PAULINA : la sensation vague de voir un film qui court après une modernité déjà éculée.

De Santiago Mitre. Avec Dolores Fonzi, Oscar Martinez, Esteban Lamothe. Argentine / Brésil. 1h43. Prochainement

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