Cannes 2015 : LES COWBOYS / Critique

18-05-2015 - 19:15 - Par

De Thomas Bidegain. Quinzaine des Réalisateurs.

Pitch : Une grande prairie, un rassemblement country western quelque part dans l’est de la France. Alain est l’un des piliers de cette communauté. Il danse avec Kelly, sa fille de 16 ans, sous l’œil attendri de sa femme et de leur jeune fils Kid. Mais ce jour là Kelly disparaît. La vie de la famille s’effondre. Alain n’aura alors de cesse de chercher sa fille, au prix de l’amour des siens et de tout ce qu’il possédait. Le voilà projeté dans le fracas du monde. Un monde en plein bouleversement où son seul soutien sera désormais Kid, son fils, qui lui a sacrifié sa jeunesse, et qu’il traîne avec lui dans cette quête sans fin.

« Je ne suis d’aucun côté. Je cherche juste ma sœur », entend-on dans la bouche de Finnegan Oldfield dans LES COWBOYS. À elle seule, cette réplique résume le problème du premier film de Thomas Bidegain : son incapacité à choisir une voie, sa propension à s’éparpiller dans toutes les directions sans en explorer aucune. Inspiré autant par le western et l’iconographie de l’Amérique séculaire que, de son propre aveu, par le HARDCORE de Paul Schrader (dans lequel un père cherche sa fille tombée dans le milieu du porno), Bidegain signe avec LES COWBOYS un film protéiforme, aux confluents du thriller, du drame social, de la chronique politique, du simili film de barbouzes. LES COWBOYS se nourrit ainsi de plusieurs genres, mais le fait maladroitement. Si le premier long de Bidegain affiche le même type de tension qu’il a pu bâtir dans les scripts qu’il a cosignés avec Jacques Audiard (UN PROPHÈTE, DE ROUILLE ET D’OS), il n’en partage ni la rigueur, ni la maîtrise des sentiments et des intentions. Là où Audiard vise constamment un but bien précis, canalisant la tension pour contrôler l’attention du public et en faire découler l’émotion, Bidegain papillonne trop. Film pré-11-septembre hanté par la peur de l’Islam et aux résonances actuelles particulièrement troublantes, LES COWBOYS part dans tous les sens au point qu’il devient parfois difficile de savoir où l’auteur souhaite en venir. Est-ce l’histoire de la quête d’un père ? D’un fils reprenant à son compte l’obsession paternelle ? De la transmission des névroses et des peurs ? D’une guerre de civilisation ? D’une romance venant araser les différences et les conflits ? Une histoire de deuil ? De résilience ? LES COWBOYS parle de tout ça, est tout ça. Et en conséquence, n’est rien de tout ça, car jamais Bidegain ne prend le temps de développer ces différents pans. À peine le spectateur commence-t-il à se passionner pour une situation que le réalisateur passe à autre chose, sans sommation, sans réelle fondation narrative. Comment se laisser saisir par l’émotion, dans ces conditions ? On ne peut qu’être balloté de séquence en séquence, en se demandant où le cinéaste va bien pouvoir nous mener après. Une question qu’on finit par se poser avec une certaine appréhension, tant il va parfois trop loin dans la « surdramaturgie ». Heureusement, outre son écrin soigné (mention spéciale au score ample et emphatique signé Raphaël) LES COWBOYS vibre de son interprétation. François Damiens se meut sans pause, tel un lion en cage, tremblant de colère, dégueulant son impuissance. À ses côtés, Finnegan Oldfield, captivant et émouvant de charisme digne, est sans conteste le pilier indéfectible qui permet aux COWBOYS de ne pas s’effondrer.

De Thomas Bidegain. Avec Francois Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne, Ellora Torchia, John C. Reilly. France. 1h54. Prochainement

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