VICTORIA : chronique

01-07-2015 - 11:52 - Par

VICTORIA : chronique

La jeunesse berlinoise de son romantisme le plus éperdu à sa mise en danger permanente. Le tout, en plan-séquence.

Victoria-PosterC’est un grand film d’amour, une tranche de vie de la jeunesse qui s’emmerde, le portrait d’une délinquance, un récit violent d’un lien jusqu’au-boutiste… En 135 minutes, VICTORIA revêt les nombreuses facettes de la passion à un rythme effréné. Nous sommes à Berlin, au milieu de la nuit. En boîte, Victoria, jeune fille espagnole qui apprivoise sa nouvelle ville, fait la connaissance de quatre garçons un peu dingues. On les penserait dangereux avec leur look patibulaire mais ils sont là pour s’amuser et Victoria est la bienvenue pour profiter de la nuit avec eux. Parmi les garçons, elle aime particulièrement Sonne, qui a l’air gentil. Au fil des minutes, ces cinq jeunes adultes vont faire ensemble le pacte inviolable de l’amitié à la vie à la mort. Vous en dire plus serait tout gâcher. Pour vous donner envie de vous jeter dans cet incroyable film, à peine peut-on vous dire qu’il dérive de l’errance nocturne et bavarde au drame criminel. VICTORIA se ressent plus qu’il ne se regarde. Chez ces personnages qui existent de manière enflammée, qui vivent entièrement et pas à moitié, il y a la certitude que cette nuit peut être la dernière. Face à eux, le spectateur est inquiet, attend le fait divers, l’accident, le moment où cette apparente légèreté va s’envoler pour révéler une part plus sombre. C’est en fait le destin qui va se charger de réduire l’innocence en miettes et VICTORIA de se muer petit à petit en tragédie. Et pour traduire à l’écran cette fuite en avant désespérée, le réalisateur Sebastian Schipper a pris le parti du plan-séquence de 135 minutes. Pas le faux plan-séquence aux coupes invisibles, non. Le vrai, celui qui évolue avec la nuit qui meurt et le soleil qui se lève, celui qui suit ses acteurs pour ne plus les lâcher, qui leur laisse le luxe d’improviser. Le plan-séquence qui a un sens, qui distend le temps pour tout laisser à bout de souffle… Un vrai choix de mise en scène d’autant qu’il se laisse souvent oublier et qu’il ne prend jamais l’ascendant sur l’histoire. Au contraire, il lui insuffle ce supplément de liberté qui fait du film un vrai portrait de la jeunesse et des grands sentiments qu’elle oppose au tragique. Du pur cinéma allemand, un digne héritier de Tom Tykwer. Au risque de ne pas savoir se tenir, au risque de déborder sur la fin. C’est la forme qui veut ça : impossible d’affiner une séquence par ci, ou de ramasser une scène par là. Le film se prend tel quel, il ne s’excuse pas. Darren Aronofsky s’est dit terrassé par VICTORIA et ça n’étonnera personne : le metteur en scène partage avec le film un romantisme naïf et funèbre qui laisse exsangue.

De Sebastian Schipper. Avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski. Allemagne. 2h14. Sortie le 1er juillet

4Etoiles

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