LES MINIONS : interview d’Elisabeth Patte, superviseur foule et figuration

13-07-2015 - 18:32 - Par

LES MINIONS : interview d’Elisabeth Patte, superviseur foule et figuration

Elle travaille avec le réalisateur Pierre Coffin depuis des années et a donc bossé sur les deux opus MOI, MOCHE ET MÉCHANT et sur le spin-off MINIONS. Elisabeth Patte, en tant que « superviseur foule et figuration » et chef d’une équipe qui peut quadrupler en cours de production, a même activement pris part à la création des Minions. C’est grâce à elle, notamment, que ces créatures jaunes, entre le tic-tac et la capsule cadeau Kinder, sont devenues ces superstars du cinéma familial. Rencontre.

Elisabeth-PatteVous êtes « superviseur foule et figuration«  depuis MOI, MOCHE ET MÉCHANT jusqu’aux MINIONS. Qu’est-ce que ça veut dire exactement ?
À la base, je suis animatrice, on parle donc bien d’animation. En fait, je m’occupe de tout ce qui se passe derrière les personnages principaux. Comme dans un film traditionnel, il y a des figurants qu’on ne voit pas forcément mais qui sont nécessaires soit à l’histoire, soit à rendre un plan vivant. Je m’occupe donc de l’animation des personnages, mais aussi de leur casting. Si le réalisateur me dit que les personnages principaux sont au restaurant et que je dois m’occuper de ce qui se passe derrière, il va me donner comme indication par exemple que c’est un samedi soir et que l’établissement est bondé ou au contraire que c’est en début de service et qu’il n’y a personne. Il peut aussi me dire qu’il ne veut pas qu’on remarque trop cette foule ; dans ce cas, je prends des personnages assez génériques. Je peux aussi décider de mettre une femme et un homme ensemble, décider que c’est un couple, qu’ils sont en train de se disputer. Ou que ce sont deux petits vieux qui n’ont plus rien à se dire. Voilà, je raconte des petites histoires et je donne des indications aux animateurs de mon équipe pour qu’ils sachent quelle direction prendre.

Ce n’est donc pas qu’un travail graphique, c’est aussi scénaristique.
Voilà et c’est ce qui me plaît beaucoup.

Sur le premier MOI, MOCHE ET MÉCHANT, vous vous occupiez donc des Minions…
C’est rigolo ce qui s’est passé. En animation, il y a le réalisateur, le directeur d’animation et juste en dessous, il y a les chefs d’équipe qu’on appelle les leads, et nous nous occupons tous d’une petite équipe pour soulager un peu le travail des directeurs d’animation. Et Pierre Coffin – avec qui je travaille depuis que je suis sortie de l’école – me dit : « Tu ne veux pas t’occuper des petites bestioles, là ? ». Au départ, parce que les films évoluent au fur et à mesure de la production, il y avait très peu de plan avec les Minions, c’était vraiment des personnages secondaires. Mais comme j’aime beaucoup les petites créatures dans ce genre, Pierre me les a confiés. Il fallait les faire bouger, nous partions de zéro. Il fallait donc trouver la façon dont ils bougent. Un petit gros ne va pas marcher de la même manière qu’un grand maigre… On était juste cinq animateurs, et hop, c’était parti. On a commencé par des petits gags, on leur faisait faire des petits mouvements rigolos et ça a plu à Pierre et aux producteurs. Ils ont donc rajouté des Minions dans le film.

À partir du deuxième MOI, MOCHE ET MÉCHANT, vous avez été dépossédée de vos créatures !
(Rires.) J’aurais pas osé le dire !

Eh bien laissez-moi le dire : c’est totalement injuste !
(Rires.) C’était un moment difficile, oui. Je ne m’en occupe plus que lorsqu’ils sont très nombreux. Quand il n’y en a plus que deux ou trois à l’écran, ce n’est plus moi, effectivement.

ExergueDonc, dans LES MINIONS, toutes les scènes dans la caverne, c’est encore vous !
Oui ! Quand ils dansent par exemple, Pierre me donne la musique et me dit simplement de faire une comédie musicale à la CHANTONS SOUS LA PLUIE. Du coup, je peux mettre tout ça en place, avant l’étape d’animation, lors d’une étape qui s’appelle le layout – c’est là où je réfléchis à la chorégraphie de la scène. En passant à l’animation, en discutant avec les animateurs, on peut avoir encore d’autres idées… Par exemple, c’est très discret, mais il y a des Minions qui dansent comme dans RABBI JACOB.

Revenons à la création des Minions. Quand on vous les colle entre les mains, quelle est votre première décision ?
On en avait quand même bien parlé avec Pierre. Il avait une idée assez précise de ce qu’il voulait : l’idée initiale – qui a beaucoup évolué depuis –, c’était qu’ils soient un peu bêtes et un peu méchants. À la base, on ne les a pas conçus pour qu’ils soient mignons et adorés des enfants. Au début, ils se tapaient quand même pas mal dessus ! Comme ils ont un look rigolo, il y avait un vrai paradoxe entre leur image et leurs actes. En revanche, même s’ils se tapent dessus, ce n’est jamais très méchant.

Il y a des choses qu’on ne fait pas faire aux Minions ? Hormis tout ce qui est trop vulgaire pour un public familial, s’entend…
Il ne faut pas qu’ils meurent, évidemment. Et qu’ils se fassent trop mal. Ce qui s’adapte à tous les personnages de films d’animation en fait.

Et est-ce que physiquement, il y a des choses que les Minions ne peuvent pas faire ? Est-ce que leur forme est parfois une limite ?
(Rires.) Oui, par exemple, quand ils se grattent les fesses, on est obligés de tricher. On agrandit les bras. Ça nous arrive assez souvent d’agrandir les bras ou les jambes. Un grand écart, c’est compliqué.

Minions-PicParlons des personnages « humains« . Dans LES MINIONS, vous avez eu beaucoup de boulot lors de la convention des super-vilains, non ?
J’ai eu plus de travail sur le discours de Scarlett dans le super stadium, car il y a énormément de personnages à l’écran.

Combien ?
Je pense qu’il y en a bien 500 dans les plans les plus larges. Mais autant lors des scènes de foule des Minions, il y a des actions individuelles que les spectateurs aiment bien aller regarder, autant là, on considère le stade comme une entité. On copie la vraie vie. Par exemple, quand Johnny Hallyday arrive sur scène, il y aura des gens du public qui vont rester assis, applaudir de façon légère car ce sont des gens réservés, et d’autres qui, au contraire, vont se lever et lancer le poing en l’air. Il faut, pour animer une foule comme ça, avoir quelques idées différentes : avoir un type debout qui applaudit, un qui lève le poing… On a une cinquantaine d’idées comme ça, et après on copie-colle de façon intelligente, pour obtenir une sensation de variété. Mais ici, il s’agit de ne pas attirer le regard du spectateur au second plan car ce n’est vraiment pas le but. Faut pas piquer la vedette à Scarlett (Rires.)

Est-ce qu’il y a la tentation de faire un putsch de temps en temps ? Un putsch comique au second plan ? Une blague fatale qui va attirer l’attention ?
(Rires.) J’ai vraiment l’impression que c’est ce qu’on a fait avec les Minions, dans MOI, MOCHE ET MÉCHANT. Quand Gru fait son discours, il devait le faire devant des Minions très passifs. Et là, on a vraiment réussi à faire le putsch en mettant nos propres gags. Aujourd’hui, c’est plus délicat : on les connaît, ils sont « une donnée ». Il faudrait, pour bien faire, faire un putsch aux Minions ! (Rires.)

LES MINIONS, de Pierre Coffin
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