TED 2 : chronique

05-08-2015 - 09:59 - Par

TED 2 : chronique

Fort d’une idée de départ très maligne, TED 2 accomplit l’exploit d’être encore plus drôle, fou et rentre-dedans que son prédécesseur, au point d’en devenir profondément punk.

TED2-PosterLes happy ends peuvent arriver. Et au final, les Américains n’en ont rien à foutre de rien. » Tout comme son aîné, TED 2 débute par une voix off qui ne cache aucune de ses intentions : avec la suite de son succès surprise de 2012, Seth MacFarlane entend enfoncer le clou et explorer les contrastes – pour ne pas dire les contradictions – qui définissent l’Amérique. Et comme l’auteur / réalisateur / acteur a été quelque peu amoché par l’échec public et le four critique de son opus précédent, ALBERT À L’OUEST, ne pas s’attendre à ce que l’analyse soit douce, fine et gorgée de bienveillance. Avec TED 2, MacFarlane se jette au contraire à corps perdu dans une comédie d’une grande agressivité, ne s’imposant aucune bienséance et aucune contrainte narrative et esthétique – confer un montage de gags dans une bibliothèque, arbitraire et nonsensique. TED 2 débute comme TED se terminait : par un mariage. Désormais uni à Tami- Lynn, Ted (Seth MacFarlane) entend devenir père de famille. Mais en demandant à John (Mark Wahlberg) de lui offrir sa semence pour inséminer son épouse, il enclenche une terrible mécanique bureaucratique. Bientôt, l’Amérique décide que Ted n’a plus aucun droit – et surtout pas celui d’être père. Il n’est qu’une chose, une propriété. Scandalisés, l’ourson et John engagent une jeune avocate, Samantha (Amanda Seyfried), pour plaider leur cas et forcer la justice à reconnaître l’humanité de Ted et ses droits civiques… À l’heure où la Cour Suprême américaine vient de légaliser le droit au mariage gay dans les cinquante états du territoire, TED 2 pourrait être jugé trivial. Cette énorme comédie de sale gosse ne rabaisserait-elle pas tous ces combats historiques menés depuis des décennies par des populations opprimées – femmes, noirs, gays ? Ce serait mal comprendre la sève même du travail de MacFarlane : tendre un miroir à son pays et lui mettre littéralement le nez dans sa fange. Étude souvent brillante de la friction entre cynisme et sentimentalisme, entre individualisme et vivre ensemble, TED 2 fait un portrait de l’Amérique d’une violence que peu de films de studio se permettent et s’attaque par l’absurde au racisme, au machisme, à l’homophobie, voire à l’inculture de ses héros. « Prendre les gens différents, les mettre dans des cases et les forcer à regarder les films de Tyler Perry : voilà ce que fait ce pays ! », entend-on ainsi Ted s’insurger. Le capitalisme sauvage ne s’en sort pas mieux, MacFarlane choisissant une célèbre marque de jouets pour vilain – et parodiant la culture geek en puits sans fond de connerie mercantile. Grossier jusqu’à la vulgarité la plus crasse, prêt à filmer les gags les plus cradingues – à base de sperme, si possible –, déterminé à rire de tout en alignant des vannes hilarantes que d’aucuns trouveront scandaleuses, MacFarlane réussit le tour de force de surpasser la drôlerie intrinsèque de TED. Et, s’il prétend dans son générique en forme de musical d’antan qu’il n’est là que pour le divertissement, personne ne sera dupe. Derrière la poilade grasse ou le caractère foutraque et digressif du récit se cachent une irrévérence de chaque instant, un esprit déglingo qui revisite la pop culture – et donc une certaine histoire collective – avec une ardeur quasi punk. Tant mieux : on n’a jamais demandé à la comédie d’être polie et bien élevée.

De Seth MacFarlane. Avec Mark Wahlberg, Seth MacFarlane, Amanda Seyfried. États-Unis. 1h56. Sortie le 5 août

4Etoiles

 

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