Toronto 2015 : LEGEND / Critique

12-09-2015 - 20:42 - Par

Toronto 2015 : LEGEND / Critique

Film de gangsters « anti climactique » mais drame fraternel poignant, le très solide LEGEND est la nouvelle preuve du génie débordant de Tom Hardy.

Depuis son jouissivement cool PAYBACK – dont il fut viré en cours de production et qu’il renie –, l’auteur/réalisateur Brian Helgeland peine à s’imposer. Si la qualité de 42 avait fait oublier les bancals CHEVALIER et LE PURIFICATEUR, le film avait tout de même été ignoré par chez nous, puisque sorti en catimini et en VOD. Les principaux faits d’armes d’Helgeland restaient donc ses scripts pour L.A. CONFIDENTIAL ou MYSTIC RIVER. Son cinquième film de réalisateur, LEGEND, devrait changer la donne. Le réalisateur s’intéresse ici au destin de deux figures mythiques du crime anglais : les jumeaux Kray, Reggie et Ronald, qui, dans les années 60, ont mis Londres dans leur poche. Particularité des deux gangsters : le premier était aussi calme, calculateur et séduisant que l’autre était instable, violent et effrayant – puisque paranoïaque schizophrène. Deux « légendes » que le cinéma a déjà étudiées dans LES FRÈRES KRAYS (1990) de Peter Medak. Sauf que là où Medak avait engagé des jumeaux (Martin et Gary Kemp du groupe de pop Spandau Ballet), Helgeland a l’idée brillante de confier les rôles de Reggie et Ronald au même acteur : Tom Hardy. Rares sont les performances qui, à elles seules, suffiraient presque à justifier l’existence d’un projet. Mais rares aussi sont les performances aussi stellaires, évidentes de génie et totalement décomplexées que celle livrée ici par Hardy. En se saisissant de deux rôles – qu’il parvient à faire exister pleinement l’un et l’autre –, le comédien porte à l’écran les deux pans de sa propre image publique : il impose à Reggie son magnétisme et à Ronald son excentricité. Une densité d’interprétation, passant du burlesque au tragique en un clin d’œil, qui ancre LEGEND dans une imprévisibilité souvent fascinante. Quitte à ce que le film dérape parfois, notamment dans son utilisation dissonante, voire contre-productive, de la musique ou dans son trop-plein de voix off qui semble compenser un manque de confiance d’Helgeland en son scénario. Il faut dire qu’il fait ici des choix radicaux. Si l’on retrouve une manière assez classique de filmer les faubourgs populaires anglais, Helgeland se montre bien plus aventureux quant à l’identité même de son film. Mettant hors-champ les passages obligés clinquants du film de gangster – rarement voit-on réellement les activités criminelles des Kray –, il se concentre sur la violence qui régit les relations humaines, qu’elle soit physique ou psychologique, la filme avec une brutalité étrangement cartoon, pour vite se focaliser uniquement sur le drame familial qui se noue. Qu’il s’agisse de l’amour contrarié entre Reggie et Frances (excellente Emily Browning, seul visage féminin dans un océan de gueules cassées masculines), peut-être un poil convenu, ou des rapports fusionnels ou conflictuels entre les jumeaux, bien plus complexes et surprenants, Helgeland se penche davantage sur l’humain que sur… la légende. Grâce à sa mise en scène ménageant l’ample et l’intimiste, il signe une chronique plus poignante qu’exaltante, dans laquelle « sans moralité ni déshonneur, on suit ses principes jusqu’à la fin ».

De Brian Helgeland. Avec Tom Hardy, Emily Browning, Taron Egerton, Christopher Eccleston. Royaume Uni/France. 2h11

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